Mercredi, 31 mai 2023
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    Dany Turcotte, pas toujours gai de vieillir

    Dany Turcotte planche depuis les deux dernières années sur un documentaire qui met en lumière la réalité des personnes LGBTQ+ vieillissantes. Le dernier placard — vieillir gai transporte les téléspectateurs au cœur d’une réalité souvent ignorée : à l’approche du 3e âge, la génération qui a milité pour les droits LGBTQ+ doit de nouveau affronter la marginalisation liée à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. À travers des témoignages touchants et des discussions avec des personnalités connues, le documentaire présenté le 6 avril sur ICI TÉLÉ donne la parole aux personnes vieillissantes qui se retrouvent dans l’angle mort de l’évolution sociale récente. Discussion avec le sympathique humoriste aux mille talents.

    Le dernier placard — vieillir gai aborde la situation des personnes LGBTQ+ vieillissantes qui doivent retourner dans le placard ou faire un énième coming out. D’où est venue l’inspiration ?
    Dany Turcotte : C’est Laurent McCutcheon qui m’avait parlé de ce phénomène et ça m’avait grandement interpellé. Il faut noter qu’il y a plusieurs nuances de placard. Certaines personnes ne se confieront à vraiment personne et se refermeront comme une huitre, alors que d’autres vont être eux-mêmes avec un groupe très restreint. Les générations qui m’ont précédé ont plutôt le réflexe de se cacher.

    Les Boomers ont mené la majorité des grands combats sociaux pour les droits LGBTQ+. Grâce à eux, les générations suivantes ont pu mener une vie plus facile. Pensez-vous qu’avoir le droit de vieillir en sécurité lorsque l’on s’identifie ouvertement comme LGBTQ+ sera la prochaine bataille, le dernier legs de cette génération ?
    Dany Turcotte : Ces gens ont souffert énormément, donc vieillir dans le respect et la quiétude est la moindre des choses. Ils ont notamment connu l’époque où être gai ou lesbienne était une maladie mentale. Le bill omnibus de 1969 (décriminalisation de l’homosexualité) est venu mettre un peu de lumière, mais il y a ensuite eu les années sida qui ont vraiment répandu énormément de souffrance et de rejet. Je leur souhaite une vieillesse digne !

    Selon vous, comment expliquer que, malgré les révolutions sociales des dernières années, les ainé.e.s LGBTQ+ risquent encore d’être victimes de jugement ou de discrimination lorsqu’ils arrivent au troisième âge ?
    Dany Turcotte : Les résidents que j’ai rencontrés étaient extrêmement ouverts d’esprit, le problème n’est pas là ! Le problème est, selon moi, plus du côté des institutions. Les résidences pour ainé.e.s sont très réticentes à aborder la question de l’homosexualité. Ils font comme si la chose n’existait pas chez eux. C’est certain que dans un milieu de vie où vivent 1 500 personnes, il est pratiquement impossible qu’il n’y ait aucun homosexuel. Il y a une omerta de l’homosexualité. Si les résidences formaient un peu leur personnel à propos des réalités LGBTQ+, j’ai l’impression que ces ainé.e.s caché.e.s oseraient probablement vivre au grand jour.

    Étant originaire du Saguenay, croyez-vous que la situation des personnes ainées LGBTQ+ soit différente à l’extérieur de Montréal ?
    Dany Turcotte : La grande différence est dans la quantité ! Il y a évidemment moins de personnes LGBTQ+ au Saguenay qu’à Montréal. On ne peut penser à ouvrir une résidence dédiée aux gais et lesbiennes à Jonquière, mais il pourrait y avoir un milieu de vie pour ainé.e.s qui fasse un effort [pour] s’afficher résidence gay-friendly ! La Fondation Émergence offre des ateliers pour les résidences afin de sensibiliser les résidents et le personnel aux réalités LGBTQ+. Pour ce qui est de l’ouverture d’esprit, elle est, selon moi, la même dans les régions qu’à Montréal !

    Vous avez confié la musique à Ariane Moffatt. Comment est née la collaboration ? Lui avez-vous donné une commande particulière ? Une émotion précise à véhiculer à travers sa musique ?
    Dany Turcotte : On a donné carte blanche à Arianne ! Au moment de l’entrevue, je n’ai pas encore entendu son travail. Ce sera la cerise sur le sundae ! Sa musique viendra habiller le documentaire, je suis bien fébrile à l’idée de l’entendre. Ce que je sais, c’est que pendant le générique de fin, elle reprendra la chanson Deux vieilles, de Clémence Desrochers. Juste ça, c’est tout un cadeau !

    Dans le documentaire, vous discutez de la condition des ainé.e.s LGBTQ+ avec diverses personnalités connues, dont Janette Bertrand, Émile Gaudreault, Stanley Péan et Pierre-Michel Tremblay. Pourquoi ces personnes ?
    Dany Turcotte : J’ai choisi Janette Bertrand parce qu’elle est une alliée des communautés LGBTQ+ depuis longtemps. Dans les années 80, elle présentait au grand public des personnes atteintes du sida, des personnes trans, des gais et des lesbiennes avec respect et écoute. Elle a grandement contribué à l’avancement de nos droits. Pour ce qui est d’Émile, Stanley et Pierre-Michel, ce sont des amis de longue date. Ils ont le même âge que moi et nous sommes au même endroit dans nos vies. Le documentaire est aussi sur le vieillissement, ça arrive à beaucoup de gens, pas juste aux gais !

    Au total, combien de temps aura nécessité la réalisation du documentaire ?
    Dany Turcotte : Ce fut un long et laborieux processus. Faire du documentaire est une vocation. Il faut s’acharner et avoir un peu d’argent de côté. J’ai commencé seul avec mon idée, puis j’ai parlé du projet dans mes entrevues et j’ai fini par intéresser d’autres intervenants. J’ai gagné mes collaborateurs un à un et fini par avoir une vingtaine de personnes sur le projet. Convaincre un diffuseur (Radio-Canada) n’a pas été facile, car le sujet des ainé.e.s LGBTQ+ n’est pas ce qu’il y a de plus vendeur. Nos télés ont tendance à vouloir montrer la jeunesse, la vieillesse ne fait pas vendre ! Ça aura pris un bon deux ans en tout.

    Avez-vous rencontré des défis lors de la réalisation du projet ?
    Dany Turcotte : Le plus grand défi a été de le mener à bien ! Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a eu une pandémie récemment. Ça nous a ralentis passablement. On ne pouvait tout de même pas entrer dans des RPA rencontrer des ainé.e.s en pleine épidémie !

    Vous avez exploré la masculinité dans le cadre de Du côté des hommes, et vous plongez aujourd’hui dans l’univers des ainé.e.s LGBTQ+. Y a-t-il d’autres thèmes sociaux que vous seriez intéressé à aborder dans le cadre de prochains projets ?
    Dany Turcotte : J’aimerais vraiment avoir l’occasion de faire un autre documentaire. J’ai adoré l’expérience, mais ce ne fut pas de tout repos ! Un sujet qui me parle beaucoup est l’homosexualité dans les communautés culturelles. À Montréal, il y a des réfugiés sexuels, des gens qui ont quitté leur pays parce qu’ils sont des personnes LGBQT+. Le Québec est à l’avant-garde des droits de ces personnes, on est chanceux de vivre ici ! Le dernier placard est dédié à la mémoire de Laurent McCutcheon, qui est l’un des artisans de ces avancées pour les communautés LGBTQ+. On lui doit beaucoup !

    Avez-vous d’autres projets que nous devrions garder à l’œil ?
    Dany Turcotte : Beaucoup de projets en chantier ! Des choses au congélateur, au frigidaire, j’espère pouvoir les mettre sur le feu bientôt ! Par contre, plus question de travailler sur mille projets en même temps ! J’ai la chance de pouvoir choisir sur quoi et avec qui je passe mon temps. Nos vies sont si courtes, profitons-en !

    INFOS | Le dernier placard — vieillir gai sera diffusé en primeur sur ICI TÉLÉ le jeudi 6 avril à 21 h et en rattrapage sur ICI TOU.TV EXTRA à compter du lundi 17 avril.

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