Il y a eu la découverte d’un vaccin, quelques mois à peine après avoir identifié le virus de la COVID-19 en 2020, vaccin développé à base d’ARN messager. Cette nouvelle technologie a suscité beaucoup d’espoir pour les équipes de recherche qui travaillent d’arrache-pied depuis tant d’années à développer un vaccin contre le VIH. Malheureusement, les premiers essais cliniques avec les vaccins à ARN messager ont été décevants. L’incroyable parcours du vaccin contre le coronavirus a marqué les esprits en utilisant de toutes nouvelles techniques. Pour bien des raisons, on en est encore loin de la coupe aux lèvres et les scientifiques, tant à Montréal qu’ailleurs, tentent de percer encore les secrets du virus du VIH en vue d’en venir à bout finalement grâce à un vaccin. Le Dr Pierre Côté de la CMU du Quartier Latin nous en parle.
« Le VIH est un virus très particulier. Chaque jour, il se réplique des milliards de fois dans l’organisme, continue-t-il. Il peut facilement se tromper en se répliquant et c’est ce qui amène de nouveaux virus mutants. Ce n’est pas la même chose pour le coronavirus ou la COVID-19, qui fait beaucoup moins d’erreurs de réplications, donc produit beaucoup moins de virus mutants, ce qui donne le temps aux chercheurs de pouvoir développer un nouveau vaccin adapté aux nouveaux variants. C’est ce qui se passe présentement avec la COVID-19. »
« Cette particularité du VIH à se répliquer souvent amène l’émergence de virus mutants potentiellement résistants aux différents médicaments disponibles pour contrer le VIH. Mais malgré cela, les traitements présentement utilisés pour traiter le VIH sont très efficaces. Ils réussissent, pour la majorité, à bloquer le virus en le rendant indétectable. Au Quartier latin, par exemple : 98 % des patients séropositifs traités ont une charge virale indétectable. En plus d’empêcher le virus d’être capable d’attaquer le système immunitaire, il ne peut pas se transmettre. C’est quand même extraordinaire », explique le Dr Pierre Côté. Et les traitements sont devenus beaucoup plus simples et très bien tolérés par les patients.
« De plus, avec le VIH, et contrairement au coronavirus, les résistances peuvent arriver plus souvent, mais il y a tout de même des pistes intéressantes à explorer pour les scientifiques », note le Dr Pierre Côté.
Les chercheurs, comme au Centre de recherches du CHUM ici même à Montréal, par exemple, essaient déjà depuis des années de trouver une cure.
« J’ai commencé ma carrière avec le VIH-sida en 1987-88, il n’y avait pas encore de médicaments, se rappelle le Dr Pierre Côté. Aujourd’hui ici à la clinique, 98 % des patients sont traités et sont indétectables. C’est dire combien les choses ont changé depuis cette époque-là. Mais pour une cure, il reste les fameux “réservoirs” où se cache encore le virus et qui empêchent la guérison complète de la maladie. »
Notons qu’on a remarqué au fil du temps et des études que le cerveau ou les ganglions, par exemple, constituent ces fameux réservoirs où le virus est présent, et ce, même chez un patient indétectable. Est-ce l’avenir de la recherche ? « Oui, la stratégie aura plusieurs facettes, poursuit-il. Ce sera une sorte de multithérapie assez puissante : il faudra faire sortir les virus des réservoirs par des médicaments capables de se rendre jusque-là, donc “’booster” le système immunitaire pour mieux combattre le virus et traiter les patients pour qu’ils soient indétectables », souligne-t-il.
« Une fois qu’on trouve le bon vaccin, qu’on effectue toute la gamme des tests, que ce soit sur des animaux de laboratoire ou des groupes d’humains, puis les études plus poussées et ensuite que cela se dirige vers les approbations, cela peut prendre encore une bonne dizaine d’années, croit le Dr Côté. […] Il faut dire que c’est tout un défi pour les scientifiques […]. »
Mais d’un autre côté, avec des traitements aussi efficaces et qui ont fait leurs preuves, pourquoi est-ce que les pharmaceutiques mettraient plus d’argent dans la recherche d’un vaccin ? « C’était exceptionnel ce qui s’est produit pour le coronavirus et tous les investissements qu’on y a consentis à travers le monde pour développer un vaccin si rapidement. Il faut tenir compte de la complexité du virus du VIH, mais aussi du fait qu’il existe des traitements actuellement. Il n’y a pas de cure, mais les traitements fonctionnent et les gens peuvent vivre normalement […] Pour l’herpès également, il n’y a pas de vaccin. En médecine, il y a des virus comme ceux-ci que nous ne sommes pas capables de contrôler », souligne-t-il.