Le concept d’un désintérêt pour le sexe qui serait ordinaire et naturel dérange notre conception même des fondations de la société : le désir n’est-il pas une constante universelle ? Ce qui ne fut pendant très longtemps évoqué qu’à mots couverts prend cependant une place de plus en plus importante dans le discours social. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
La sursexualisation de la culture est au cœur de la plupart des sociétés contemporaines où on a bien souvent assisté à un renforcement du phénomène, que ce soit en tentant de la réprimer (l’époque victorienne) ou, tout au contraire, de la mettre de l’avant comme une finalité incontournable (publicité et films de la fin 20e siècle et début 21e siècle).
Ce travers s’est également décliné par le biais d’une conception très balisée, voire même étriquée, d’une sexualité et d’une santé mentale dites épanouies. La baisse ou l’absence de libido étant alors immédiatement analysées à travers la lorgnette d’une pathologie culpabilisante pour laquelle il s’impose de trouver un remède. Heureusement, notre conception du désir et de la sexualité s’est depuis lors affinée et une palette plus étendue s’est progressivement développée.
Alain Héril, psychanalyste et sexologue, présente un état des lieux de cette question dans un des très rares ouvrages de langue française à aborder la question. C’est à travers une alternance de notions théoriques et de cas pratiques qu’il navigue au cœur des différentes facettes de la réalité asexuelle, en insistant par ailleurs sur le piège de la confondre avec l’orientation. En effet, l’asexualité peut être très bien définie sans que soit « requis » le test d’une relation sexuelle pour la confirmer.
L’auteur aborde les différentes formes que peut prendre l’asexualité, l’histoire de la perception de celle-ci depuis la fin du 19e siècle, de même que les diverses formes de désir dans lesquelles elle peut s’incarner. Il distingue également une asexualité temporaire, liée à des traumas extérieurs (comme la dépression ou le stress), d’une autre dite pérenne.
Comme il le souligne éloquemment, « l’écriture de ce livre a soulevé en moi plus de questions que de réponses. […] Ce qui est intéressant et bouleversant, c’était de quitter le faisceau si étroit du regard psychopathologique pour accepter de dialoguer avec des personnes qui n’ont pas plus de souffrance que les autres et qui incarnent ce qu’elles sont avec tranquillité et noblesse. »
INFOS | Désirer autrement : voyage au cœur des asexualités / Alain Héril. Paris : Leduc, 2023, 239 p. (Société)
