Saturday est un boys band formé de quatre post ados — Zach, Ruben, Angel et Jon — dont les noms sont sur toutes les lèvres et gravés sur les cœurs de millions de groupies. Une vie de rêve qui doit respecter un carcan très rigide dont les fondations vont cependant craqueler lorsque, après une soirée bien arrosée, Zach embrasse Ruben.
Zach s’est toujours identifié comme hétéro, alors que Ruben n’a jamais caché qu’il était gai à ses proches. C’est donc le premier qui voit ses certitudes bousculées : qu’a-t-il ressenti pendant le baiser échangé avec Ruben ? Est-ce une simple incartade ou se pourrait-il qu’il soit bisexuel? Ruben, de son côté, est dans l’incertitude : peut-il espérer voir son éternel béguin devenir enfin réalité ?
Le cheminement des deux hommes ne se déroule cependant pas en vase clos puisque leur existence fait partie d’un plan marketing complexe dont ils ne doivent s’écarter sous aucun prétexte quitte à réprimer ce qu’ils sont réellement. Ruben est gai, mais ne peut le révéler publiquement, et doit également composer avec une mère qui ne voit en lui qu’un produit de consommation. Zach est présenté comme un bad boy afin de dissimuler son côté sensible (lire « gai »), mais il ne rêve que d’interpréter ses propres créations alors qu’il se retrouve cantonné à un style et un rôle imposés.
Angel se rappelle à peine qui il est vraiment tant on a réécrit son histoire et sa personnalité et Jon est vendu comme le sex-symbol du groupe, une position qui le rend très mal à l’aise, en particulier devant leur gérant qui l’exhorte à sexualiser davantage son image alors qu’il n’est nul autre que son propre père. Bref, interdiction formelle de sortir des rôles imposés : après tout, si quoi que ce soit s’ébruitait, ce serait la fin de leurs carrières !
Au-delà de l’aspect sentimental et identitaire, les autrices Sophie Gonzales et Cale Dietrich portent un regard perçant sur la manipulation et les dangers de dépersonnalisation propres au milieu du spectacle. Problèmes identitaires, de santé mentale et de dépendance sont donc également au cœur du récit, ce qui permet d’en enrichir la portée et les enjeux.
Un roman prenant, parfois empreint d’une certaine naïveté, où se révèle l’envers du décor.
INFOS | Si ça s’apprend / Sophie Gonzales & Cale Dietrich. Paris : PKJ, 2023, 477 p.