Le Musée McCord vous invite à plonger dans le passé des photographies de mode prises par le célèbre Norman Parkinson entre les années 1930 et les années 1980. Véritable pilier des images éclatées et colorées, le Britannique a vu son travail publié dans les pages des magazines Vogue, Harper’s Bazaar, Town & Country, Queen et plusieurs autres publications internationales.
Sa lentille a capté plusieurs icônes comme Audrey Hepburn, Ava Gardner, Elizabeth Taylor, Montgomery Clift, Gregory Peck, Twiggy et Katharine Hepburn, en plus de photographier de grands noms de la politique, de la littérature et de la musique. Près de 80 photos prises tout au long de sa carrière figurent dans l’exposition Norman Parkinson — Toujours en vogue présentée du 19 avril au 2 septembre 2024. Fugues s’est entretenu avec Zoë Tousignant, conservatrice, photographie au Musée McCord-Stewart.
Pourquoi le travail de Norman Parkinson mérite-t-il une exposition ?
Zoë Tousignant : C’est un photographe qui a travaillé sur six décennies. Il s’agit d’une très longue carrière dans son domaine. Il a carrément traversé le 20e siècle en photographie de mode, en portraits de célébrités et en reportages. Son histoire recoupe d’ailleurs celle des médias de masse. Dans les années 1930, 1940 et 1950, on assistait aux débuts des magazines illustrés et très invitants qu’on voyait dans les kiosques, avec l’usage de la photographie pour faire vendre les vêtements. Parkinson a vécu la naissance de la photo de mode comme une niche à part entière jusqu’à sa transformation dans les années 1960 et 1970.




Pourquoi est-il reconnu comme un pilier de la photographie de mode ?
Zoë Tousignant : Il était l’un des premiers en Grande-Bretagne et à l’international à présenter une vision plus moderne de la femme. Avec lui, elle n’était pas restreinte au monde domestique. Elle vivait à l’extérieur, elle courait, elle sautait, elle faisait des activités et elle faisait partie de la vie publique en portant de très beaux vêtements. Dans les années 1930 et 1940, sa vision était en symbiose avec les développements du féminisme, l’impact de la guerre sur la place des femmes dans le monde du travail et plusieurs autres phénomènes sociaux. Il a réussi à capter ces changements dans le domaine de la mode d’une façon très colorée et très humoristique. Il présentait la femme dans des endroits cocasses et inhabituels. Il s’est aussi lancé dans la photographie couleur, même quand la technologie était encore à ses débuts.
Comment son humour se traduisait-il en photo ?
Zoë Tousignant : Dans le choix des endroits pour réaliser ses sessions photo. L’exemple classique de ce que j’avance est lorsqu’il a photographié sa femme, la mannequin Wenda Rogerson (devenue Wenda Parkinson), en Afrique du Sud : il l’a fait monter sur une autruche, l’animal s’est mis à courir, il a continué à photographier et apparemment qu’il aurait dit à sa femme : « More profile, Wenda, more profile! » Ce sont des idées loufoques du genre qui lui ont permis de se démarquer. Il faisait monter des mannequins sur des monuments ou sur le toit de grands édifices. Il leur faisait faire des acrobaties pour avoir des images fantastiques. Il vendait des vêtements à travers la création d’histoires fantaisistes.
Avant lui, à quoi ressemblait l’approche statique et posée de la photographie de mode ?
Il faut se souvenir que la photographie de mode a commencé principalement dans les années 1920. À l’époque, les photos du genre étaient surtout prises en studio et les femmes étaient présentées comme des objets : des cintres ou des sculptures qui portaient les vêtements. Tout était fait avec un souci constant d’élégance et on cherchait à montrer les lignes des créations, sans que le mouvement ne fasse partie intégrante de l’image. Parkinson a été l’un des premiers à vouloir représenter le mouvement dans une image essentiellement statique. Rappelons-nous que la télévision n’existait pas encore. Le cinéma existait. Et il cherchait à représenter la vie et la modernité en mouvements, dans des contextes extraordinaires, parfois avec des animaux, et toujours avec des vêtements fabuleux.

Savons-nous si son approche imaginative et en dehors du cadre a été bien reçue
d’emblée ?
Zoë Tousignant : Au départ, je l’ignore, mais il semble qu’il a toujours eu des éditrices et des rédactrices en chef qui l’encourageaient. Je dirais même que leur rôle a été déterminant dans le développement de son style. Ce sont des professionnelles qui avaient une vision du moment présent et qui le poussaient à le capturer en images. On est loin du catalogue chez Sears qui mettait l’accent sur le produit. On était dans la création du rêve.
Tout en étant marié, s’identifiait-il à la communauté LGBTQ+ ?
Zoë Tousignant : Il faut faire attention de ne pas entrer dans les clichés à propos des photographes de mode et des artistes, car il était dépeint comme un womenizer, un homme à femmes. Cela dit, il était aussi perçu comme un excentrique qui était complètement accepté socialement. Ça faisait partie de son cachet et de sa personnalité.
Comment les 79 images de son portfolio ont-elles été sélectionnées pour l’exposition ?
Zoë Tousignant : La sélection a été faite par le commissaire Terence Pepper, anciennement du National Portrait Gallery de Londres. Il connaît très bien la pratique de Parkinson. L’idée était de choisir ses meilleures images et les plus connues, ainsi que celles de personnes qui sont devenues des icônes internationales. Parkinson en a tellement qu’on aurait pu présenter une tout autre exposition sur son travail. Notre objectif était de présenter son parcours et de faire des liens avec plusieurs couvertures de magazines.
Expliquez-moi le complément de vêtements qui viennent étoffer l’exposition.
Zoë Tousignant : On veut faire un lien direct avec la collection du Musée McCord-Stewart. Puisque l’exposition est divisée par décennie, on a cherché à représenter l’ambiance et ce que les gens portaient dans chaque période, en incluant des robes, des ensembles et des chapeaux qui font écho à ce qu’on voit dans les images. On retrouvera des tenues conçues entre autres par les créateurs britanniques Hardy Amies et Digby Morton, ainsi que des chapeaux créés par les Québécoises Fanny Graddon et Yvette Brillon.
INFOS | Norman Parkinson Toujours en vogue, au Musée McCord-Stewart, jusqu’au 2
septembre 2024, du mardi au dimanche, de 10h à 17h, sauf le mercredi, alors que le musée ferme à 21h.