La Cour suprême du pays a approuvé ce mercredi 18 décembre la constitutionnalité d’un projet de loi «sur les droits sexuels et les valeurs familiales». La décision pourrait entraîner des sanctions financières de la Banque mondiale.
La Cour suprême du Ghana a ouvert la voie ce mercredi 18 décembre à la prochaine promulgation d’une loi anti-LGBT + considérée comme l’une des plus répressives du continent africain, en rejetant deux recours contre ce texte qui suscite l’indignation en Occident. Le projet de loi «sur les droits sexuels et les valeurs familiales» prévoit jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour une personne ayant eu des relations homosexuelles et entre trois et cinq ans pour la «promotion, le parrainage ou le soutien intentionnel d’activités LGBT +».
«Il n’y a pas d’acte que la Cour suprême puisse annuler en vertu de sa compétence»et ce texte peut «devenir une loi conformément aux dispositions énoncées dans la Constitution», a déclaré Avril Lovelace-Johnson, qui a présidé le panel des sept juges de la Cour suprême, en annonçant sa décision. Adopté en février par le Parlement, ce projet de loi pourra entrer en vigueur après sa ratification par le président Nana Akufo-Addo, en fonction jusqu’au 7 janvier, ou après par son successeur John Mahama, opposant qui a remporté la présidentielle du 7 décembre.
Possibles conséquences financières
Au Ghana, pays conservateur très religieux à majorité chrétienne, les relations entre personnes de même sexe sont interdites par une loi datant de l’ère coloniale, mais il n’y a eu jusqu’ici aucune poursuite pour ces motifs. Cependant, les personnes queers (dont l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne correspond pas aux modèles dominants) y sont régulièrement la cible de discriminations.
Le texte avait été déposé au Parlement en 2021 mais son vote avait toujours été reporté avant cette année. Critiqué par l’ONU et plusieurs pays dont les Etats-Unis, il inquiète également le ministre ghanéen des Finances. Au printemps, ce dernier a averti que le Ghana, qui tente de sortir de l’une de ses pires crises économique depuis des décennies et qui bénéficie d’un programme de prêt de 3 milliards de dollars du Fonds monétaire international, risquait de perdre près de 3,8 milliards de dollars de financement de la Banque mondiale à cause d’une telle loi.
Le Ghana craint de subir le même sort que l’Ouganda, dont la Banque mondiale avait suspendu tout nouveau prêt en 2023 après l’entrée en vigueur d’une loi jugée homophobe dans le pays par les défenseurs des droits. Quelques semaines après l’adoption du texte par le Parlement, le président Akufo-Addo avait déclaré qu’il attendrait d’abord que la Cour suprême se prononce sur sa constitutionnalité avant de décider ou non de promulguer le texte. De son côté, John Mahama avait indiqué soutenir ce projet de loi anti-LGBT, lors de la campagne pour la présidentielle.
En février, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, avait estimé que l’adoption de cette loi par le Parlement ghanéen était «profondément perturbante». «Le projet de loi est contraire à la Constitution du Ghana et aux obligations et engagements régionaux et internationaux librement contractés en matière de droits de l’homme», avait-il indiqué. La Cour suprême, plus haute juridiction du pays, avait été saisie sur le sujet par le journaliste ghanéen Richard Dela-Sky et la chercheuse universitaire Amanda Odoi.
Richard Dela-Sky a contesté la constitutionnalité de la loi, tandis qu’Amanda Odoi demandait une ordonnance restrictive pour empêcher le président du Parlement, le procureur général et le greffier du Parlement d’envoyer le projet de loi au président Akufo-Addo pour approbation. Les relations homosexuelles sont interdites dans une soixantaine de pays dans le monde, dont une trentaine de pays africains, selon l’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexuées.