Dimanche, 16 mars 2025
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    James Longman, après avoir exploré le monde, explore ses propres gènes

    Le journaliste James Longman ne craint pas l’aventure. Spécialiste du Moyen-Orient, ce Britannique, présentement correspondant pour la chaîne américaine ABC, est principalement connu pour son travail journalistique aux quatre coins du monde, mais pas uniquement. James Longman vient de sortir son premier livre, The Inherited Mind, un essai dans lequel le journaliste enquête sur les manières dont la santé mentale de son père — qui souffrait de dépression et de schizophrénie, avant de se suicider — a pu influencer sa propre dépression et sa propre santé mentale de façon générale.

    Tu as clairement fait de nombreuses découvertes lors de tes recherches. Mais qu’est-ce qui t’a surpris le plus ?
    James Longman : Je pense que c’est la réalisation que nos gènes ne sont pas simplement quelque chose avec lequel nous devons vivre, que nous devons tolérer, que nous devons surmonter ou dont nous devons passer outre. Les gènes sont en fait un outil qui vous permet de mieux vivre votre vie. Par exemple, ma prédisposition à la maladie mentale — que j’ai très clairement — n’était pas simplement quelque chose que je devais gérer. En fait, l’étude de l’épigénétique me donne beaucoup plus d’espoir sur la façon dont nous pouvons utiliser nos gènes pour mieux vivre. En effet, seuls 2% de nos gènes, notre ADN, sont notre hardware, les gènes physiques dont nous héritons, les codes pour lesquels nous ne pouvons rien faire. 98% de notre code génétique est notre software, qui permet à ce hardware de fonctionner, et vous pouvez faire des choses dans votre vie qui changeront la façon dont ce software fonctionne.

    Quelle place penses-tu que ton homosexualité a ou a eue dans ta santé mentale ?
    James Longman : Il est tout d’abord important de préciser que le livre traite de la dépression médicale, [qui est une chose à laquelle] les gens sont confrontés, quelles que soient leurs circonstances. Les personnes de la communauté LGBTQ+ qui sont déprimées le sont souvent en raison de leur situation. C’est une distinction qui est importante à faire. Néanmoins, j’ai une prédisposition à la dépression médicale, qui a été aggravée ou déclenchée par l’impossibilité d’être moi-même. Et je pense que c’est quelque chose que beaucoup de gens qui sortent du placard, ou qui veulent sortir du placard, traversent. Le fait de ne pas pouvoir être soi-même et de se sentir isolé est un élément essentiel de la dépression.

    Tu es allé en Tchétchénie pour enquêter sur la persécution des homosexuels dans la région. Devant la caméra, tu as fait preuve d’une forte audace en avouant ton homosexualité au chef de la police. Qu’as-tu tiré de cette expérience ? Regrettes-tu de l’avoir fait ?
    James Longman : C’était une expérience étrange. Je n’avais pas l’intention de parler à qui que ce soit de mon homosexualité, pour ma sécurité personnelle et celle de l’équipe. C’est peut-être l’un des cinq endroits les plus dangereux au monde pour les homosexuels. Lorsque nous étions dans la prison avec le chef de la police, il y avait quelque chose dans ce moment qui, selon moi, justifiait de le faire. Nous étions dans une cellule où les personnes homosexuelles étaient probablement détenues. Je me trouvais aux côtés du responsable des ordres donnés à la police d’arrêter les homosexuels. Je suis homosexuel et j’ai une caméra. Je me suis donc dit : « Il n’y a pas de meilleur endroit. » Évidemment, c’était un bon moment de télévision, mais j’ai aussi réussi, je l’espère, à percer le voile de ce type, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, et à changer complètement son préjugé sur ce qu’est un homosexuel. Dans son esprit, il est impossible qu’un gai puisse être un journaliste international pour une chaîne américaine. Il pense que les homosexuels sont des dégénérés, qu’ils sont handicapés, qu’ils ne sont pas compétents et qu’ils ne méritent pas d’être des êtres humains. Donc, si je pouvais me tenir à ce moment-là et lui montrer que toutes ses idées sur les homosexuels ne sont peut-être pas vraies, j’avais le pouvoir de faire passer cela à la télévision. En plus, je voulais voir sa réaction et, à ce moment-là, ma propre réaction, qui a été que mon cœur battait très fort. J’ai donc pris sa main et je l’ai posée sur mon cœur. C’était quelque chose de tout à fait humain et j’ai essayé à nouveau de le toucher en tant qu’être humain.

    Sens-tu qu’être homosexuel t’aide ou te désavantage dans ta carrière de journaliste ?
    James Longman : Je pense que cela fait de moi un meilleur journaliste. Tout simplement.
    Parce que, quand on est journaliste et qu’on fait mon travail, on parle à des gens qui sont
    sous-représentés, opprimés, vulnérables. Par définition, ils constituent une sorte de minorité. Et on comprend ce que c’est que de souffrir, on comprend ce que c’est que de vivre quelque chose de terrible, on comprend ce que c’est que d’avoir l’impression d’avoir tout perdu ou de risquer de tout perdre. Cela permet d’être compatissant et vulnérable avec les gens, et de comprendre ce que signifie leur vulnérabilité. C’est utile parce que je peux faire preuve d’empathie, je pense. Je ne dis pas que les personnes qui ne sont pas homosexuelles ne peuvent pas l’être, mais je pense que cela aide — en tout cas, c’est ce qui s’est passé pour moi.

    Que penses-tu des personnes homosexuelles qui ont peur de voyager dans des lieux qui ne sont pas gay-friendly ?
    James Longman : Je suis assez privilégié par rapport à tout cela. Je voyage avec une chaîne d’information, j’ai une caméra avec moi, je suis protégé. J’étais en Ouganda, par exemple, où l’on vient d’adopter une loi qui interdit non seulement aux homosexuels d’être homosexuels, mais qui dit également aux gens : « Si vous ne dénoncez pas un homosexuel ou une personne susceptible d’être homosexuelle aux autorités, vous risquez d’aller en prison pendant 20 ans. » Je me suis rendu sur place en tant qu’étranger privilégié ayant accès aux réseaux internationaux et travaillant pour un organisme de presse. Je ne suis pas sûr que je conseillerais au voyageur lambda d’aller en Ouganda.

    Cela dit, je pense qu’il y a des pays dans le monde où, si ce n’est pas légalement, du moins culturellement, il peut être difficile d’être gai, mais ces endroits vous surprendront toujours. Je suis allé en Syrie quand j’étais jeune. J’avais 19 ans et j’essayais de trouver ce que je voulais faire en tant que journaliste, et j’ai fini par vivre là-bas. Je n’ai pas fait mon coming out parce que je savais que la culture syrienne ne m’accepterait pas.

    Mais j’y suis retourné en décembre dernier pour la chute d’Assad et j’ai revu des amis que je n’avais pas vus depuis des années, mais qui me suivaient évidemment sur Instagram. Et l’un de mes amis, un Syrien de mon âge, m’a dit : « Tu ne m’as jamais dit que tu étais gai ! » J’ai répondu : « Je ne pensais pas que ça passerait. » Et il m’a dit : « Mais bien sûr, c’est OK ! » Alors ce que je dirais, c’est que si vous êtes inquiet ou si vous vous posez des questions, peu importe où vous allez dans le monde, vos idées préconçues seront toujours remises en question, pas seulement à propos des homosexuels ou des questions LGBTQ+, mais à propos de tout. Gardez donc l’esprit ouvert. Le meilleur moyen d’ouvrir davantage son esprit est de voyager. Nous avons besoin de moins de peur dans ce monde.

    INFOS | The Inherited Mind: A Story of Family, Hope, and the Genetics of Mental Illness, James Longman, Hyperion Avenue, 2025, 304 pages.

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