Presque en même temps qu’il publiait son journal de 1994, La Campagne de France, qui suscita au printemps dernier une forte polémique (voir notre article dans Fugues, décembre 2000, vol. 17, no 9), Renaud Camus publiait Éloge du paraître.
Cet opuscule est consacré à la défense et à l’illustration du paraître, synonyme de civilisation. Le paraître s’oppose à l’être, synonyme, lui, de barbarie, d’authenticité, de consensus, d’idéologie dominante. Il se traduit dans les formes que l’on met pour parler autant que pour agir.
Ainsi, on ne va pas à l’opéra en chaussures de jogging et en t-shirt; l’opéra exige le complet-veston et la cravate. Le paraître, c’est la convention, l’art, la morale, tout ce qui semble inutile et futile; c’est une esthétique du vivre.
Ironique et détaché, il tient de la frivolité, de la politesse et de la modestie. L’être est soumis au poids des choses, des contraintes d’exister (de faire carrière et de gagner de l’argent, par exemple), pas le paraître, qui est du côté de l’invention d’un destin à soi seul et pousse à aller au-delà de soi-même.
Pour Renaud Camus, l’habit fait plus que jamais le moine. Le style est tout et contient tout. On constatera dans ce bref livre divisé en fragments que l’écrivain accentue son côté Vieille-France, aristocrate et réactionnaire, que les tomes de son journal avaient dessiné depuis quelques années.
Il prend la pose de l’esthète; il a choisi définitivement la marginalité; il revendique une singularité hautaine qu’on pourrait facilement qualifier de méprisante. Son apologie du paraître est séduisante, disons-le. Mais elle tient de l’intransigeance, du fanatisme, d’une terreur qui ne dit pas son nom.
Par son manichéisme primaire, elle se transforme ainsi en une police des conduites, en une nouvelle censure. «Le paraître est la grande école de l’être», écrit l’auteur. Elle est plutôt une maison de correction, une université de l’exclusion.
Éloge du paraître / Renaud Camus. Paris : P.O.L., 2000. 107p.