Comme son titre l’indique, ce roman est un triptyque articulé autour de trois périodes-clés de l’histoire gaie britannique : les années 1890, les années 1950 et les années 1980. Chaque période présente un narrateur différent, sans aucun lien avec les deux autres, qui fait foi de son époque.
La fin du 19e siècle nous est présentée par Jack Rose, qui cherche à fuir la misère en se prostituant. Il découvre un monde où il s’initie à la sexualité et au plaisir des sens dans une Angleterre victorienne à la morale corsetée, où il va même côtoyer Oscar Wilde. C’est par son intermédiaire également que l’on entre en contact avec les secrets d’alcôve et la décadence propre à l’aristocratie et à la bourgeoisie de cette période.
Le milieu du 20e siècle est, quant à lui, placé sous le règne de Colin Read, un artiste de 54 ans qui éprouve une fascination pour le nu masculin tout en tentant désespérément de nier le désir qu’il éprouve pour ses nombreux modèles. Il faut, en effet, garder en tête que le Code criminel condamne alors toujours les relations homosexuelles. Ce barrage va pourtant se rompre lorsqu’il fait la connaissance de Gore, une escorte pour qui il éprouve une fascination sans borne et qui le manipulera comme bon lui semble.
Finalement, on rencontre David dans les années 1980, condamné à une peine de prison pour prostitution, et qui adresse ses pensées à celui à travers qui il a découvert l’amour, celui-là même qui l’a trahi et conduit au pénitencier. Le prostitué présent à chacune des époques constitue le miroir qui nous renvoie la perception de nos propres désirs : honte, fascination, décadence et quête de liberté.
Une très belle évocation de l’évolution de l’identité gaie au fil du temps : ce qui change et ce qui demeure immuable. Le tout entrelacé de certaines émotions fortes et récurrentes : l’espoir, la solitude, l’amour et la passion.
Un premier roman fascinant qui a remporté de nombreux prix à travers le monde anglo-saxon.
London Triptych / Jonathan Kemp. Vancouver : Arsenal Pulp Press, 2013. 271p.