Comme dans tous les romans, la clé de voûte d’une rencontre résulte des fruits du hasard : en l’occurrence, une biographie d’Oscar Wilde oubliée sur la table d’un café. Cette distraction de François et la remise dudit bouquin par Patrick-Émile amorcent une relation tumultueuse entre les deux hommes.
La connexion devrait couler de source : les deux hommes apprécient les arts, la lecture et ont notamment une fascination respective pour Oscar Wilde et Émile Nelligan.
Le petit hic se situe cependant dans la différence d’âge entre ces derniers : François a 40 ans bien sonnés et Patrick-Émile vient de célébrer ses 20 ans. Une différence qui préoccupe avant tout François qui ne peut supporter la condamnation qu’il lit dans le regard des autres.
De son côté, Nathalie, la colocataire de Patrick, lui rebat les oreilles à propos du nouveau « père de substitution » qu’il s’est trouvé, elle qui ne rêve que d’attirer le jeune homme dans son propre giron. Ajoutons à cela le grain de sel de Michel, dit Madame Papillon, un personnificateur féminin à la retraite, et on est en présence d’un mélange potentiellement explosif.
Adapté d’un scénario de films, le récit nous fait voguer à travers un maelström d’émotions diverses et contradictoires, de même que des niveaux de langue opposés (la coloc pense en joual, ce qui est un peu déroutant).
La forme d’origine transparaît un peu dans la construction parfois elliptique du récit où la transition des scènes rappelle souvent la trame d’un film et on aurait parfois souhaité plus de chair dans la psychologie des personnages et leurs histoires personnelles.
Malgré ce bémol, le roman se lit d’une traite et connaît d’ailleurs un très beau succès en version électronique où il se classe comme meilleur vendeur, toutes catégories confondues, sur le site lulu.com. Les fans seront heureux d’apprendre qu’un antépisode, Entre le rose et le noir, verra le jour en 2015.
L’eau des nuages / Daniel French. Montréal : Les Éditions Autres choses, 2014. 114p.