Il a investi des années de sa vie dans la carrière d’une chanteuse. Il a accompagné son ancien amoureux aux Jeux olympiques de Sotchi, où il a débuté l’écriture d’un livre pour comprendre comment les grands athlètes passaient du rêve à la réalité. À son retour au Québec, voyant qu’il n’arrivait pas à se guérir de la fièvre des Jeux, il a décidé de consacrer deux années de sa vie à préparer SES olympiques. À l’été 2016, Normand Piché nagera 100 km afin de relier cinq continents!
Nageur de compétition jusqu’à l’adolescence, le Montréalais de 44 ans a abandonné le sport et ses exigences pour alléger le poids sur les épaules de sa mère monoparentale et pour consacrer plus de temps à sa vie sociale. C’est probablement ce même intérêt pour les autres qui l’a poussé à devenir gérant d’artiste et à explorer la source de la flamme olympique.
Plus tard, sa présence aux derniers Jeux d’hiver a renversé le point focal de son existence. « Quand je voyais un Canadien recevoir une médaille, j’étais flabergasté par la vague d’énergie qui se transmettait à la foule et, via les caméras, dans les pays du monde entier. Un soir, je me suis filmé en marchant, habité par cette émotion, et j’ai réalisé que je voulais continuer de vivre dans cet état. J’avais envie, moi aussi, d’atteindre mon plein potentiel. »
De retour à Montréal, la déprime post-olympique l’a happé de plein fouet. « Après trois semaines à avoir l’impression d’être sur mon X, le retour a été difficile. J’ai passé trois semaines dans le silence. Je n’arrivais pas à écrire mon livre sur la “recette” olympique. Puis, j’ai donné des conférences sur le passage du rêve à la réalité… jusqu’à ce que je me demande c’était quoi mon rêve à moi. À ce moment-là, j’ai décidé de faire “mes” Olympiques. » Il s’inspire alors de Philippe Croizon, un Français amputé des quatre membres qui a été le premier à nager le circuit qu’il s’apprête à faire. « J’ai lu son livre et regardé son documentaire. Ça m’allumait tellement! Ça me ramenait à quelque chose de plus grand que moi. »
Dire que l’homme au crâne rasé et aux abdominaux d’acier s’attaque à un projet d’envergure est un euphémisme. À la fin du mois d’août, il veut relier cinq continents en 80 jours, une référence directe au tour du monde de Jules Vernes. Il traversera d’abord le détroit de Béring, soit cinq km entre l’Alaska et la Russie. Puis, il franchira la vingtaine de km du détroit de Gibraltar, entre l’Espagne et le Maroc, ainsi que les 10 km du fleuve Bosphore, en Turquie. Il conclura son périple en traversant la mer Rouge, entre l’Égypte et la Jordanie, ainsi qu’un tronçon de 25 km dans l’océan Pacifique, entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et l’Indonésie.
Les cinq séquences seront entrecoupées de périodes de voyagement et de préparation. Conscient des risques d’hypothermie associés aux traversées dans les eaux froides, Normand Piché croisera aussi la route de requins, d’orques et de méduses aux piqures mortelles. Il nagera dans des voies maritimes très polluées, en particulier celle de Gibraltar, le détroit au trafic le plus intense du monde, avec des centaines de cargos chaque jour.
S’il dit ne pas pouvoir contrôler la pollution et les prédateurs marins, le rêveur aquatique tente tout de même de prévoir les susceptibilités politiques que son aventure risque d’exacerber. « Je vais traverser des zones extrêmement contrôlées et tendues, comme le secteur entre l’Égypte et la Jordanie, qui n’est pas loin d’Israël et de l’Arabie Saoudite. Il faudra régler tout ça sur place. »
Que fera-t-il si un pépin physique ou logistique l’empêche de conclure ses « Olympiques » en 80 jours? « Ce ne sera pas un échec, mais j’espère rentrer dans les temps. Ça ajoute au défi. De toute façon, comme je veux partager mes expériences à mon retour, je trouve ça intéressant d’expliquer comment on a géré cette dimension. Et si je me plante, ça fera aussi partie de mes apprentissages.»
Excessif et hyperactif, il a engagé une entraîneuse personnelle, Anastasia Polito, afin de peaufiner sa technique de nage en eau vive. Ancien membre du club de natation À Contre Courant, il s’entraîne désormais entre 25 et 30 heures par semaine à la piscine du Centre sportif du Parc olympique, à raison de six jours par semaine, en plus de prendre part à des camps d’entraînement à l’étranger.
Des heures et des heures avec la tête sous l’eau ou devant un ordi à prévoir l’imprévisible. Mais pourquoi, au fond? «Pour combler mon rêve de grandeur, après m’être planté dans le monde du showbizz, et avoir tout perdu : ma dignité, mon honneur, mon argent et ma flamme. Et parce que ça donne un sens à ma vie. Au-delà de l’aspect égocentrique du projet, j’ai envie d’en faire un rêve collectif. En reliant les continents, je veux être un symbole de rassemblement des continents et lancer un message de paix. Au début, je trouvais tout ça trop gros et trop cher, puis j’ai décidé de moins penser aux limitations et de me concentrer sur les possibles.»
Inspirant déjà bien des gens de son entourage, qui ont décidé de prendre leur santé et leurs rêves en main, Normand Piché a convaincu quantité de bénévoles, de professionnels et d’entreprises de l’épauler dans son projet, qu’il finance en (très) grande partie à même ses économies. Il évalue l’aide extérieure à près de 50 000 $.
Le nageur accepte volontiers le soutien que le grand public veut lui donner, et il entend bien partager le fruit de sa réussite. « Je veux raconter mon histoire, mes hauts et mes bas, avec transparence, sur mon site web, dans un documentaire (en développement) et un livre que j’écrirai à mon retour. » Normand Piché invitera aussi ceux qui contribueront à sa campagne de sociofinancement – sur o5swim.ca – à lui fournir un message qu’il apportera avec lui dans une bouée qui reliera, elle aussi, les cinq continents.