Avec la pandémie de Covid-19, ressurgissent les vieilles habitudes de cibler des communautés qui seraient les responsables de ce cataclysme. À travers l’histoire, ce besoin de trouver des coupables sur lesquels catalyser les peurs et les colères des populations. Pour des raisons politico-économiques, religieuses et maintenir ainsi la cohésion d’un groupe rassuré de la promesse de lendemains qui chantent par l’éradication d’un ennemi supposé.
Depuis que les minorités sexuelles se sont constituées comme des groupes particuliers, elles sont régulièrement pointées comme constituant des menaces contre l’ordre établi. Il en a été ainsi durant la montée du IIIe Reich allemand. La volonté de pureté des bons aryens ne pouvait se concevoir sans l’exclusion de celles et ceux qui ne correspondaient pas à cet idéal. Les minorités sexuelles, comme les gitans, dont les comportements s’éloignaient des normes sociales imposées par le régime. Ou encore pour les Juifs, dont la religion, les mœurs et leur statut d’apatrides en faisaient des cibles de choix. D’autant que les plus fortunés étaient souvent à la tête des banques. On se devait d’utiliser des moyens radicaux pour se débarrasser de nuisibles pouvant ébranler les fondements d’un nouvel ordre social.
De nombreux philosophes se sont penchés sur la nécessité pour une communauté de se trouver des boucs-émissaires. Bien sûr, c’est un outil précieux pour évidemment maintenir la cohésion sociale du groupe, que l’on y croit ou non. Le sacrifice ayant ainsi plusieurs portées, politique, psychologique et symbolique.
Politique
En pointant des opposants ou en créant artificiellement une classe d’opposants, on peut ainsi expliquer et justifier toutes les mesures qui restreignent les libertés individuelles pour se protéger d’ennemis.
Psychologique
Le sacrifice de l’autre est une façon de se racheter une virginité de la conscience. L’élimination physique de celui qui porterait les stigmates de notre propre noirceur la ferait disparaître en nous. Les chasses aux sorcières nous délivrent de nos propres démons intérieurs. On le voit bien dans les attaques homophobes où les agresseurs se rassurent sur leur propre hétérosexualité en cassant du pédé.
Symbolique
Les civilisations anciennes voyaient dans les sacrifices, et donc dans la figure du bouc-émissaire, le bouc que l’on sacrifie entre autres, une manière d’expliquer l’inexplicable, comme les pandémies, les catastrophes naturelles, les famines etc. On pensait prévenir ou éteindre la colère des Dieux par des actes d’expiation. Civilisations anciennes? Pas forcément. On le voit encore aujourd’hui avec des religieux qui n’hésitent pas à imputer aux forces divines la raison des fléaux qui peuvent nous toucher, par l’acceptation grandissante des LGBTQ2, l’avortement; et on peut ajouter encore d’autres comportements sociétaux qui, selon eux, entretiendraient la colère des ou du tout-puissant. On le voit aujourd’hui en Ouganda par exemple, où un foyer de jeunes LGBTQ+ de Nsangi été attaqué par un groupe d’autodéfense. L’urgence contre la pandémie risque de relâcher la protection et la défense des LGBTQ2 dans de nombreux pays.
Il n’est donc pas anormal qu’en temps de pandémie, les minorités sexuelles comme d’autres catégories de la population, les femmes, les personnes racisées, et aujour-d’hui les personnes aînées ressentent une inquiétude plus grande. Chaque grande crise demande une explication, et si la raison et la science ne peuvent apporter ni explications, ni solutions rapides, on se tourne vers l’irrationnel pour tenter de se rassurer. La tentation de trouver des boucs-émissaires pour expri-mer nos frustrations et de trouver les coupables. Surtout quand elle est reprise comme un crédo par des partis politiques ou religieux.
Les LGBTQ2 sont particulièrement sensibles, surtout pour celles et ceux qui ont vécu la grande crise du sida des années 80. Ils et elles portaient la mort, la contagion. Puis, ce furent les populations noires qui ont été ciblées, la communauté haïtienne entre autres.
On pourrait souhaiter que l’épisode de la Covid-19 n’entraîne pas de dérives semblables. Mais on voit dans certains pays combien on profite des mesures de confinement obligées pour restreindre encore la liberté des LGBTQ2. On le fait par la porte arrière, ni vu ni connu. Bien sûr les organismes de défense des minorités sont attentifs, et certains déjà sur le pied de guerre. Déjà, avant la pandémie, de nombreux gouvernements conservateurs n’hésitaient pas à revenir sur de nombreux gains législatifs et sociaux obtenus par les communautés LGBTQ2. Ils pourraient se servir de ce virus comme un écran pour aller plus loin la restriction de nos droits et de nos acquis.
Cela devrait nous faire réfléchir à notre relation à l’autre, au différent, à l’étranger, à celui qui apparemment ne nous ressemble pas. Cela devrait nous faire dépasser nos perceptions teintées de rejet, d’exclusion, et comprendre enfin que la solution passe par l’accueil, l’échange, le partage, l’entraide, en somme pour reprendre une image biblique, mais tout n’est pas à jeter dans la Bible, comme changer nos cœurs de pierre… en cœurs de chair.