Comment la COVID-19 t’a-t-elle affecté personnellement?
Cette crise me touche de façon vraiment importante au quotidien dans mon travail et dans ma vie personnelle. D’abord, moi et mon chum sommes revenus tout juste de vacances, avant que l’ordre de quarantaine soit mis en place aux personnes qui reviennent de l’étranger. Toute notre pratique à la clinique a été transformée depuis notre retour. Nous avons dû réaménager physiquement la clinique pour éviter autant que possible les contacts entre les patients entre eux, mais aussi les contacts entre les membres du personnel eux-mêmes et les contacts entre le personnel et les patients. La clinique semble vide. On travaille beaucoup confinés dans nos bureaux et faisons surtout des téléconsultations quand c’est possible.
Les patients qui se présentent à la clinique sont triés quant aux symptômes possibles de la COVID-19 et référé dans des cliniques qui accueillent des patients potentiellement infectés. Le but de cette mesure est d’éviter que le plus grand nombre de travailleurs de la santé s’infectent pour maintenir le système de santé opérationnel. On n’a jamais vu de telles mesures — en tout cas depuis 32 ans que je pratique la médecine — et on va s’en souvenir longtemps. Présentement, dans l’espace ou tu vis, es-tu seul, avec ton conjoint, de la famille, un coloc, des animaux?
Le changement de notre travail à cause de la COVID-19 est très présent tous les jours, les soirs et les week-ends même à la maison. Mon chum est médecin aussi, on travaille ensemble au Quartier latin depuis son ouverture. On a l’habitude d’être ensemble plusieurs heures par jour. On a nos espaces où on peut s’isoler et respecter notre intimité. C’est quand même plus compliqué un peu avec la crise de la COVID. Il y a toujours un fond de stress où on est personnellement plus à risque d’être infectés nous-même. Bref, pas toujours évident pour notre famille et nos amis qui nous manquent.
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À quoi ressemble tes journées ces temps-ci?
Je vais à tous les jours à la clinique travailler comme à l’habitude. Je pourrais faire une bonne partie de mon travail de la maison, mais je préfère aller à la clinique, c’est plus motivant et de voir les membres de notre clinique est plus stimulant. Environ 80% des consultations que je fais se font par téléconsultations. Ç’est utile à mon avis pour un certain temps. C’est surtout dans un contexte de dépannage. Mais honnêtement, la rencontre en personne des patients me manque. On voit quand même en personne, les patients qui le nécessite. On est toujours disponible pour les personnes qui présentent des symptômes d’ITSS ou qui désirent passer des tests de dépistage. Mars et avril sont toujours un peu difficile pour tout le monde en chaque année. La COVID rend les patients encore plus vulnérables et on voit vraiment plus de patients en détresse psychologique. Et les ressources pour leur venir en aide sont souvent fermées et non disponibles. Je retourne tôt à la maison pour compléter mes dossiers, m’habille rapidement en mou et chausse mes gougounes. Mon vieux chat Hugo attend et insiste pour sa dose de caresses. Lui semble bien aimer le confinement, il reçoit plus d’attention. Je me suis fais une petite routine d’exercices physique, ça m’aide beaucoup honnêtement. Je procrastinais beaucoup…
On en profite pour cuisiner, se faire des petits plats. Le frigo n’a jamais été aussi rempli. Et m’occupe également de ma vieille tante malade, en la visitant et allant faire ses courses. Je me sens bien utile à faire cette action plutôt simple.
Durant cette période, nous avons beaucoup de temps pour soi… Comment fais-tu pour que le confinement passe mieux?
En fait on travaille quand même beaucoup durant la semaine. Il y a cependant moins de réunions administratives, et je dois avouer honnêtement que ça fait du bien. Nous avions l’habitude d’aller les week-ends à la campagne. Nous n’avons pas pu y aller en raison du confinement et c’est ce qui a changé le plus notre routine. Bien que le confinement des Laurentides est terminé, on fait quand même attention pour éviter les contacts avec la population là-bas en faisant nos courses à Montréal. C’est une période très intéressante, à cause de l’absence de feuilles dans les arbres, pour observer les oiseaux qui eux sont très actifs présentement. On essaie, quand on est à la maison, d’en profiter pour faire choses qu’on remet toujours à plus tard, genre le ménage du tiroir de tupperwares, jeter les conserves périmées dans le garde-manger, ce genre de trucs.
As-tu des recommandations ou des suggestions pour rendre cette pause plus facile à passer?
Je crois qu’il est important de tenter de maintenir une certaine routine: se lever tôt, ne pas rester en pyjama toute la journée, maintenir une hygiène, sortir prendre l’air, se faire une petite routine d’exercices, bien manger, peut-être en profiter pour cuisiner des petits plats en réserve et éviter de s’isoler en communiquant avec nos amis et notre famille.
Qu’est-ce qui te manque le plus ces temps-ci?
Certainement les contacts en personne avec mes amis, ma famille et mes patients. J’ai aussi très hâte de me faire couper les cheveux! Je crois que, comme tout le monde, je commence à avoir un peu mon voyage de ce cauchemar qui ne semble pas finir. On vit beaucoup d’incertitude, et ce n’est pas très drôle.
Considère-tu que les gouvernements –ici—ou ailleurs— gèrent adéquatement la situation?
Nous vivons une période de pandémie planétaire. C’est du jamais vu depuis 75 ans. Le virus est particulier et les autorités de santé publique doivent s’adapter et agir en tenant compte de plusieurs facteurs médicaux, sociaux et économiques. Je ne voudrais pas être dans la peau du Dr Horacio Arruda. Chapeau pour son travail. Les autorités de santé publique au Québec sont très compétentes et je leur fais entièrement confiance.
Crois-tu que ta vie sera transformée par la suite au niveau de nos interactions sociales?
J’espère que cette longue crise amènera une plus grande solidarité sociale. Cette pandémie rend l’Homme très humble. Un seul petit virus a touché toute la planète et provoqué une crise socioéconomique importante pour probablement un certain temps. Et j’espère qu’on se souciera davantage des personnes plus vulnérables dans notre société, en les considérant comme des citoyens avec des droits et le respect qu’ils méritent.
Des inquiétudes pour l’avenir?
Je crains que lorsque la pandémie soit terminée, on revienne dans nos pantoufles sans vouloir changer nos vieilles habitudes.
Un message d’espoir que tu veux lancer?
Je crois que nous pouvons être fier de toute cette mobilisation, c’est très encourageant. J’espère également que d’être distancié l’un l’autre pourra au final nous rapprocher…