Puisées à même les journaux d’antan, voici quelques manchettes ou publicités qui ont marqué notre histoire!
9 novembre 1924
Fifiville et Tapette village
Police gazette, un journal particulièrement sulfureux des années 1920, présente une chronique mensuelle qui se moque à qui mieux mieux des hommes et femmes gaies de l’époque. L’intérêt de la chronique du 9 novembre 1924 tient surtout en son titre – Échos de Fifiville et de Tapette village – qui illustre bien que l’utilisation des termes « fifi » et « tapette » ne date pas d’hier.
Au Québec, il semble que « fifi » ait commencé à être utilisé de façon négative au début du 20e siècle; auparavant, il s’agissait d’un terme affectueux désignant le fils bien-aimé: le fi-fils.
Je vous réfère à un article du journal étudiant de l’Université de Sherbrooke Le Collectif sur la Petite histoire des mots « fifi » et « fif ». Le terme « tapette », quant à lui, est apparu vers 1854.
La chronique de ce numéro recense plaisanteries et anecdotes qui auraient été croquées sur le vif, par les journalistes, au sein du milieu. On peut cependant se demander s’ils ne sont pas surtout issus de leur imagination fiévreuse. À titre d’exemple : « Émile D. – le beau frisé – a adapté un nouveau parfum. Il l’appelle Peau lisse ».
Au-delà de ces « mots d’humour », on y retrouve également, par la bande, des informations
précieuses. Par exemple : « Le club de la rue Ontario Est est très désorganisé depuis le départ de la Tapette en chef. Mais on se remet… c’est le cas de le dire » et « E. Carreau ! E. Geoffrion ! Si vous saviez ce qui se passe dans une maison de la rue St-Hubert? Cela dépasse l’imagination. Jamais, ô grand jamais… Le fait est que c’est un record. On croit que ce harem est ignoré de la Police ».
À mots couverts, on apprend donc qu’un bar accueillant une clientèle gaie tient sa place d’affaire sur Ontario et qu’un club privé, rappelant les scandales de 1908 et 1916 autour de Ulric Geoffrion et Joseph-Ernest Carreau, se tient sur la rue St-Hubert. Si vous désirez en savoir plus sur ces deux hommes et les descentes de police de l’époque, je vous suggère l’article de Dominique Dagenais Les scandales des clubs Geoffrion et Carreau du Centre d’histoire de Montréal. Pour les plus curieux, vous retrouverez quelques numéros de Police Gazette, dont celui ici discuté, sur news.google.com
17 octobre 1953
Boucle d’oreille à gauche
Une manchette étonnante du journal Ici. Montréal de 1953: Une nouvelle mode vient d’être lancée chez les homosexuels de la métropole, celle de porter une boucle d’oreille à l’oreille gauche. L’information a cela de surprenant que la mode de la boucle à une seule oreille comme signe d’identification gaie est généralement signalée à partir de la fin des années 1960 et qu’elle se porte alors plutôt à l’oreille droite. On semble donc ici assister à un phénomène très montréalais se situant en amont et qui privilégie l’oreille gauche. Il ne faut cependant pas s’étonner de cette recherche d’un signe d’identification relativement discret puisque, rappelons-le, l’homosexualité était toujours considérée comme criminelle à l’époque. Il était donc préférable de se donner des codes afin de s’assurer que l’on aborde bien un homme qui se situe du bon côté de la barrière.
Difficile cependant d’évaluer à quel point cette mode a été populaire.
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