Samedi, 2 novembre 2024
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    Le nouveau coming out de Jean-Michel Blais

    Trois ans après avoir composé la bande originale du film Matthias et Maxime, de Xavier Dolan, le compositeur et pianiste Jean-Michel Blais revient à la charge avec un album exceptionnellement épuré et original. Avec Aubades, Jean-Michel Blais se retrouve au sommet de son art et offre une œuvre qui détonne de ses albums précédents, Il (2016) et Dans ma main (2018), notamment par la présence d’un mini-orchestre. Aubades se présente ainsi, pour reprendre les mots d’André Péloquin du Journal de Montréal, comme l’« antidote à 2022 ». Entrevue avec un artiste qui a du cœur au ventre.

    Tu sors ton album à l’aube du printemps, alors qu’on déconfine peu à peu. Est-ce que c’est intentionnel ?
    Jean-Michel Blais : Pas du tout, mais en même temps oui. Le contexte de rupture, fin de tournée, éviction, mon autre projet d’album que j’avais a pris le bord, je me retrouve tout seul… Tout ça a fait que je me suis entouré d’amis imaginaires, d’instruments imaginaires. Je crée, j’apprends des instruments. Ça m’a sorti d’une sorte de torpeur. Tout ça combiné, c’est venu m’aider. C’est très associé au printemps, au début du jour, au début des saisons, au début de la vie, au début de la vie d’un nouveau Jean-Michel qui n’est peut-être plus juste un pianiste improvisateur, mais qui là se retrouve aussi compositeur et orchestrateur. L’album a été écrit au printemps 2020, il a été enregistré au printemps 2021 et il sort au printemps  Ce n’est pas prévu, mais la vie a fait que ça s’est placé comme ça. Je suis extrêmement heureux de voir comment ça tombe bien. Les étoiles s’alignent quand même bien.


    Considères-tu que la célébrité a influencé ton art, ta manière de faire et ton approche musicale ?

    Jean-Michel Blais : Pas du tout. Au niveau d’où je viens et de mon ego, au contraire, je me grounde plus que jamais. Je tisse encore plus serré mes relations préexistantes. Je pense que ce que ça me permet c’est une ouverture à l’autre et une confrontation. Quand je suis passé du p’tit gars à Nicolet à Montréal, ben là t’es le meilleur à Nicolet et rien à Montréal. Là tu te dis : qui je suis ? Comment me recentrer par rapport à ça ? Et me regrounder, me recentrer en me disant : « Je ne veux pas être le meilleur, je veux être moi-même là-dedans » et « Est-ce que j’ai quelque chose à donner dans le paysage musical ? ». La popularité, la gloire et même l’argent, ça me permet de rencontrer d’autre monde, être confronté, me lancer des nouveaux défis et intégrer plus de monde dans mes projets. Tout ça, sans vouloir être au goût du jour, sans vouloir être révolutionnaire. Ce que je fais c’est d’une simplicité, c’est des pièces courtes avec des arrangements basic, à ma façon, à ma couleur, plein d’erreurs.


    Tu as récemment affirmé que ton album était plus proche de Klô Pelgag que de Philip Glass. Penses-tu éventuellement collaborer avec Klô Pelgag ?
    Jean-Michel Blais : Je ne pense pas. Dans le sens que ça pourrait être cool, mais Klô elle fait déjà bien ce qu’elle a à faire. Je pense que ça serait plus intéressant une collab avec quelqu’un avec qui on se compléterait vraiment, parce que moi j’apporte l’apport instrumental, par exemple avec un poète obscur ou avec un chanteur/une chanteuse qui gratte une guitare et là ensemble on bâtit quelque chose de plus grand. Mais si elle m’approchait, c’est sûr que ça serait hot. C’est incroyable ce qu’elle fait.


    Qu’en est-il d’Ellie Goulding ? Vous vous faites souvent des clins d’œil sur les réseaux sociaux…
    Jean-Michel Blais : On se jase des fois. Je pense qu’elle a un background en classique et elle aime beaucoup la musique instrumentale. Elle était accrochée par des pièces que je fais. Mais, tsé, c’est moi, il faudrait peut-être que je lui écrive… J’aime beaucoup le contact humain. Peut-être qu’à un moment donné je vais être à Londres pour une semaine, pis elle est là, pis on va jammer autour d’un piano, pis là y aura une toune. Moi, je travaille beaucoup comme ça, parce qu’à distance, c’est vraiment différent. Je crois beaucoup en la connexion humaine. Et, tu vois, déjà là ça serait plus intéressant, parce qu’il y a un aspect complémentaire qui est plus intéressant, parce que ce qu’elle fait et ce que je fais ça n’a rien à voir. Après, moi je comprends que j’aurais plus à gagner qu’elle en termes de following ! Mais je suis très touché de son intérêt. À voir !


    Alexandra Stréliski, Yannick Nézet-Séguin, Owen Pallett… Le monde de la musique classique, néoclassique et de l’orchestration semble réserver une place spéciale aux LGBTQ+. Penses-tu que ce genre de musique est particulièrement plus ouvert aux LGBTQ+ ?
    Jean-Michel Blais : Cameron Carpenter, qui est un organiste incroyable, soutient la thèse que tous les organistes sont gais, mais c’est pas vrai. (Rires.) Mais c’est son point un peu. Je pense que ça va vraiment au-delà du néoclassique. J’élargirais aux arts en général. Il y a une plus grande ouverture, une plus grande acceptation pour ce qui est non-hétéronormatif. Peut-être que ça vient du fait que ça prend une forme de sensibilité, un courage de découvrir t’es qui. On a souvent inévitablement passé par des chemins moins dans la norme. Tsé, moi quand j’étais ado, mon voisin Simon cognait à la porte pour savoir si je voulais jouer au hockey. Moi, ça ne me tentait pas, je voulais rester chez nous et jouer du piano à la place, tout seul. Tu fais de l’introspection et tu grandis là-dedans. Quand tu fais ton coming out, c’est une façon de dire « ben ça, c’est ce que j’ai à présenter au monde ». Musicalement, chaque album est un peu un petit coming out. De dire : « C’est ce que j’ai à présenter, dans une forme de vulnérabilité. Ça se peut que ça ne passe pas. Ça se peut qu’on m’aime, ça se peut qu’on ne m’aime pas. » Y a des parallèles à faire, et j’ai l’impression que le milieu a une ouverture qui est là depuis belle lurette.

    INFOS | L’album Aubades est disponible en CD, en vinyle et sur les plateformes de musique en continu. Jean-Michel Blais a entamé une tournée en février. On pourra le retrouver le 9 juillet à la salle Wilfrid-Pelletier, dans le cadre du Festival de jazz de Montréal. jeanmichelblais.com

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