D’Istanbul à Orlando en passant par Moscou et Buenos Aires, il a créé des spectacles aux quatre coins du monde. Ses mises en scène ont fait rayonner les plus grandes productions, incluant les célébrations du 400e de la ville de Québec, le Super Bowl, le concours Eurovision et la tournée MDNA de Madonna. À l’occasion du retour à Montréal du spectacle Kurios – Cabinet des curiosités, qu’il a créé avec le Cirque du Soleil en 2014, Michel Laprise discute pour la première fois avec le magazine Fugues. Confidences sur un spectacle et une carrière sous le signe de la diversité.
Merci de t’entretenir avec nous ! Peux-tu nous rappeler comment ta carrière a commencé ?
MICHEL LAPRISE : Je viens de la ville de Québec ! À l’adolescence, je voulais vivre la vie en communauté, la vie de troupe, en quelque sorte, pour être loin de mes parents. (Rires !) Je suis donc allé au Collège de Saint-Anne-de-la-Pocatière, un pensionnat mixte incluant le sport et le théâtre. Ç’a été un moment de bonheur important dans ma vie. J’ai ensuite étudié à l’École nationale de théâtre du Canada, à Montréal. Dès le lendemain de ma remise de diplôme, j’ai lancé une petite compagnie qui présentait des spectacles novateurs, incluant notamment les nouvelles technologies. Ça marchait bien et ça me rend bien fier encore aujourd’hui !
Aujourd’hui, tu es le guide créatif du Cirque du Soleil. En quoi consiste ton rôle ?
MICHEL LAPRISE : C’est un poste créé par Guy Laliberté à l’époque ! J’ai deux missions principales. La première est d’accompagner les metteurs en scène tout au long du processus créatif. Nous établissons ensemble les orientations créatives au début d’un projet, puis je leur donne de la rétroaction de façon ponctuelle durant la création. Je suis un peu comme les yeux du public, afin d’apporter un regard externe sur les créations en devenir. Mon autre rôle est d’établir la vision globale du Cirque du Soleil afin de définir comment on se projette dans le futur, sans perdre l’essence de nos racines.
Aurais-tu imaginé, à l’époque de l’École nationale, que tu étais destiné à mettre en scène les plus grands spectacles du monde ?
MICHEL LAPRISE : Tu vas me rendre émotif ! Ta question tombe à point parce que je travaille en ce moment sur un grand projet dans lequel on construit un théâtre sur mesure et je me disais justement récemment « Oh my god, si je racontais ça au petit gars de Québec, il n’en croirait pas ses yeux ! »
L’un des moments forts de ta carrière a été ta collaboration avec Madonna. Peux-tu revenir sur cette expérience ?
MICHEL LAPRISE : Les choses se sont déroulées très vite ! J’ai collaboré pour la mise en scène de son spectacle du Super Bowl, puis elle m’a demandé de retravailler avec elle pour sa tournée MDNA. J’étais tellement occupé durant cette période que je ne réalisais pas ce qui se passait, je suis donc resté moi-même et très humble durant le processus. Les Québécois sont très intègres dans leur approche et je pense qu’elle a beaucoup apprécié. Le décor était très complexe, on aurait pu se casser la gueule, mais ç’a bien marché ! C’était un processus créatif pur, Madonna est comme une acrobate ! Elle est hyper dédiée à son art et extrêmement disciplinée ! Aujourd’hui, on se voit encore quand elle vient à Montréal, elle m’envoie même des fleurs à ma fête !

Dix ans après sa création, Kurios – Cabinet des curiosités sera de retour à Montréal du 23 mai au 25 août. Comment le spectacle est-il né ?
MICHEL LAPRISE : J’avais envie de célébrer le chapiteau. Je trouvais que les quatre mâts ressemblaient à quatre antennes radio, qui captent l’énergie et la catalysent à travers les artistes pour atteindre le cœur du public. J’ai donc fait des recherches sur l’invention de la radio et j’ai réalisé qu’elle est apparue à une époque près du télégraphe, du gramophone, etc., qui avaient tous pour but de rapprocher les gens. Cette idée a donc influencé la création des personnages. Je voulais aussi créer un spectacle optimiste, je voulais que les gens sortent du chapiteau en se disant « tout est possible. » De là est apparu le thème du spectacle : si on regarde les choses juste un peu différemment, avec curiosité, on verra la beauté intrinsèque du monde qui nous entoure.
Comment le spectacle se démarque-t-il des autres productions ?
MICHEL LAPRISE : Kurios apporte plusieurs innovations, notamment au niveau scénique. Par exemple, le scénographe Stéphane Roy a conçu une scène plus basse, qui crée une expérience beaucoup plus intime. Ceci enlève toutefois l’option de faire sortir les artistes du sol. Il a donc fallu être très créatif pour leurs entrées et sorties. Par exemple, le costume de M. Microcosmos comporte lui-même une trappe, de façon à faire sortir un nouveau personnage à partir de ce personnage.
Y a-t-il un aspect du spectacle dont tu es particulièrement fier ?
MICHEL LAPRISE : Quand j’ai créé Kurios, je voulais amener un sentiment de safe zone, de diversité des personnages pour que le public puisse être accueilli dans cette pluralité. Mon premier contact avec le Cirque du Soleil était à Québec quand j’étais petit. J’entendais la musique d’un spectacle et je m’étais approché du chapiteau pour voir de quoi il s’agissait. Puis, j’ai soulevé la toile pour jeter un œil à l’intérieur. J’ai alors vu une troupe très diversifiée au visage maquillé et aux couleurs bigarrées. Je me suis mis à pleurer parce que je réalisais que si tous ces gens différents sur scène pouvaient exister, j’avais probablement le droit d’être qui j’étais, même si j’étais différent. C’est ce qui me rend très ému, je pense que nous avons réussi à créer un monde qui se peut, une atmosphère dans laquelle tous se sentent bien et se sentent accueillis.
C’est donc une vision d’ouverture à la diversité…
MICHEL LAPRISE : Oui ! Certains personnages du spectacle viennent d’un pays imaginaire nommé le Curiosistan, où tous peuvent être qui ils sont et où tout le monde a sa place, dans toute sa diversité.
Un monde à l’image d’une troupe de cirque !
MICHEL LAPRISE : Effectivement ! Le Cirque du Soleil est un peu comme une terre d’accueil pour les personnes qui se sentent différentes, pour les misfit de tout acabit. C’est notre richesse ! Nous sommes nés dans la rue, et dans la rue, ce qui est beige pâle, personne ne s’arrête pour le regarder ! (Rires !) Comme disait RuPaul : « We were born to stand out ! »
Cette vision résonnera particulièrement auprès des communautés LGBTQ+…
MICHEL LAPRISE : Oui ! Et d’ailleurs, il y a un petit Easter Egg à l’intention des communautés LGBTQ+ dans le spectacle. À un certain moment, un arc-en-ciel et une boule disco apparaissent et les gens se mettent à danser. C’est un clin d’œil à l’ère des raves et des circuit party des années 2000, que les membres des communautés vont certainement reconnaître !
INFOS | Billets pour KURIOS – Cabinet des curiosités
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