Il ne s’agit pas d’un manuel de préparation au mariage, mais bien d’un ouvrage sur Kevin Bourassa et Joe Varnell qui firent, en janvier 2001, les manchettes à travers la planète en devenant le premier couple gai de l’Ontario, et du monde, à se voir émettre un certificat de mariage par une instance gouvernementale.
Comment une telle chose a-t-elle pu se produire alors que l’on connaît bien la résistance antédiluvienne de l’État à nous l’accorder ? C’est ce que ce bouquin nous relate.
Écrit par les deux principaux protagonistes, le livre ne se contente pas de relater ce qu’ils vécurent tout au long de cette démarche, mais également comment elle s’inscrit à l’intérieur d’un long processus de libération des gais et lesbiennes débuté dans les années 60.
On y retrouve également les réactions épidermiques que leur démarche suscita avant, pendant et après le mariage, au niveau politique, journalistique, légal, religieux ainsi que dans la société en général.
Les deux hommes partagent également leur évolution, sur une base commune ainsi qu’individuelle, au niveau de l’affirmation publique de l’amour qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Par exemple, l’anxiété et la fébrilité inhérente au premier baiser échangé en public, à la sortie du métro, alors qu’ils se séparent pour se rendre à leur lieu de travail respectif. Le tout rend l’ensemble beaucoup plus humain sans jamais sombrer dans le mélo.
Comment ont-ils obtenu leur certificat de mariage ? Eh bien, de façon assez surprenante, non pas en contournant ou en contestant la loi, mais bien en utilisant sciemment cette dernière. En l’occurrence, les lois de l’Ontario portant sur le mariage sont à l’effet que si une église publie des bancs pendant trois semaines consécutives et qu’ils ne sont pas contestés, un certificat de mariage est automatiquement émis par le gouvernement.
Évidemment, dans le cas qui nous occupe, la Metropolitan Community Church de Toronto (MCC) était très consciente de ce qu’elle faisait et entendait donc bien soutenir Kevin et Joe dans leur démarche, même si cela implique de se rendre jusqu’en Cour suprême pour faire reconnaître la légalité de leur union. Il faut également savoir qu’un certificat de mariage émis dans une province est automatiquement reconnu dans toutes les autres.
Le gouvernement fédéral et le gouvernement ontarien ne l’entendent toutefois pas de cette oreille, mais se retrouvent, pour ainsi dire, avec une patate chaude entre les mains. Ils ont manifesté leur intention de contester la validité de ce mariage, mais en agissant ainsi, ils s’ingèrent de façon importante dans les pouvoirs dévolus à l’Église de célébrer un mariage. Une incursion que n’a encore jamais osé faire aucun des paliers de gouvernement.
La MCC se retrouverait donc à son tour en droit de contester une telle ingérence de la part du gouvernement en l’articulant sous l’angle de la liberté de culte qui lui est garantie par les différentes chartes des droits et libertés. Bref, un beau méli-mélo dans lequel, pour une fois, l’Église a le beau rôle (enfin, la MCC plus précisément).
Une lecture agréable qui permet de pénétrer en douceur dans les arcanes politiques, légales et religieuses de ce qui constitue sans nul doute l’un des plus grands défis qui attend la communauté gaie au cours des prochaines années. La reconnaissance du droit au mariage: l’un des derniers bastions d’intolérance et de discrimination subsistant encore ouvertement dans nos sociétés.
Just Married : Gay Marriage and the Expansion of Human Rights / Kevin Bourassa & Joe Varnell. Toronto : Doubleday, 2002. 280p.