Acclamé par la critique et enfin traduit en français, ce roman du Montréalais Neil Smith, nous entraîne dans un univers singulier où l’ensemble de nos points de repère est remis en question.
Oliver Dalrymple est un garçon de 13 ans affublé du surnom de Boo en raison de la pâleur de sa peau qui fait ainsi référence à la plainte lugubre émise par tous les fantômes bien élevés de ce monde.
Timidité maladive et passion des sciences en font un candidat idéal pour l’intimidation et il est effectivement régulièrement sélectionné comme souffre-douleur par les brutes épaisses de son école. Alors qu’il vient d’essuyer une telle attaque, il tente de se calmer en récitant le tableau périodique des éléments et s’éveille soudainement dans un lit étranger.
On lui explique qu’il est décédé et est arrivé au Village, c’est-à-dire le paradis. Rien d’étonnant, se dit-il : après tout, il souffrait d’une malformation cardiaque et sans doute que son trou au cœur s’est par trop agrandi.
Le paradis ne correspond cependant pas à l’idée qu’il s’en faisait. Loin des nuages et des amateurs de harpes, on se retrouve plutôt devant une enfilade d’édifices de type constructions gouvernementales, circa 1965, tous plus mornes les uns que les autres.
Par ailleurs, ce paradis n’est destiné qu’à des jeunes de 13 ans et qui plus est, seulement ceux originaires des États-Unis. On murmure cependant qu’il existe sans doute un Village au nord pour les 13 ans du Canada et un autre, au sud, pour ceux du Mexique.
Autre règle : après 50 ans au Village, on meurt pour se dissoudre à jamais ou passer à un autre état, on ne sait trop où. Et Dieu dans tout ça? Notre narrateur, Boo, choisit de remplacer son nom par « Zig », une habile stratégie de l’auteur qui lui permet de prendre une distance saine et ironique face à l’omniprésence des religions quant à la mythologie créée autour du concept de la vie après la vie.
Doté d’un esprit scientifique, Boo tente d’analyser et comprendre cet univers étrange jusqu’à ce qu’il croise Johnny, un camarade de son école, qui lui apprend que sa mort n’a rien à voir avec son cœur, mais bien plutôt avec les balles dont un étudiant a mitraillé l’école avant de s’enlever la vie.
Pis encore, il est fort probable que le tueur soit maintenant au Village et souhaite sans nul doute faire disparaître ces deux témoins gênants de son carnage. Les deux garçons se lancent donc dans une enquête pour identifier le tueur à l’aide des éléments épars en leur possession (une description de cheveux en bataille et d’oreilles décollées), mais vont rapidement se retrouver devant des découvertes qui vont les dépasser.
Un roman fascinant qui explore avec humour et intelligence un florilège de questions et d’émotions diverses allant du très concret, comme l’intimidation et l’amitié, au plus métaphysique, comme l’existence même du concept de Dieu. Le tout, par l’intermédiaire du regard curieux et naïf d’un jeune garçon.
Boo / Neil Smith. Québec : Alto, 2015. 398p.