Portraits intimes d’amis par un artiste chinois avant sa disparition, représentation de la vie par un peintre indien avant et après la dépénalisation des rapports homosexuels, sont quelques-unes des images exposées jusqu’au 1er mars 2020 au Bangkok Art and Culture Centre (BACC).
Cette exposition d’art contemporain qui s’est ouverte samedi à Bangkok présente les œuvres de près de 60 artistes asiatiques avec pour but d’ouvrir les esprits face à la discrimination LGBT+ dans une région où de nombreux pays continuent de criminaliser les comportements homosexuels consensuels.
Il s’agit de la deuxième exposition de ce type après une exposition à Taipei il y a deux ans.
L’événement tend à établir un dialogue avec des personnes susceptibles d’avoir des points de vue divergents vis-à-vis des personnes LGBT + et l’art qui leur est associé, explique Patrick Sun, fondateur de la Sunpride Foundation, basée à Hong Kong, dont la collection est à la base de l’exposition.
« L’art est moins conflictuel – c’est sans doute plus acceptable pour le grand public sans doute peu enclin à assister à une marche de la Fierté ou à soutenir le mariage pour tous », a-t-il confié à la Fondation Thomson Reuters à Bangkok.
« C’est la raison pour laquelle [l’exposition] se trouve dans une galerie publique, car nous voulons que le grand public vienne voir l’art, qu’il y réfléchisse, qu’il en parle et peut-être qu’il change sa perception », a-t-il déclaré.
Patrick Sun dit avoir choisi Taipei et Bangkok pour exposer en raison de l’approche plus libérale à l’égard de l’homosexualité.
En mai dernier, Taiwan est devenue le premier pays d’Asie à légaliser le mariage entre personnes de même sexe, et les parlementaires thaïlandais travaillent sur un projet de loi sur un partenariat civil en vue d’accorder davantage de droits aux couples homosexuels.
Ailleurs dans la région, l’Inde a décriminalisé l’homosexualité l’an dernier, mais des valeurs conservatrices et autres préjugés profondément enracinés entravent encore les progrès sur les droits des homosexuels dans des pays comme la Birmanie, l’Indonésie, Singapour, la Malaisie et Brunei.
Pour les artistes LGBT + issus de pays asiatiques où le sentiment anti-gay persiste, il peut être difficile de créer librement, souligne Chatvichai Promadhattavedi, ancien directeur du BACC, qui a organisé l’exposition.
« Leur art est considéré comme subversif ou érotique et il est interdit ou mal vu, ce qui rend d’autant plus difficile leur acceptation et leur réussite en tant qu’artistes », dit-il.
« Mais il est tellement faux de croire que l’art LGBT est forcément question de sexe. Il s’agit de souffrance, de joie, de relations, de droits humains : c’est un reflet de la vie, mais une vie qui a été confrontée à de terribles tragédies et d’énormes défis », ajoute Chatvichai Promadhattavedi.
L’événement comprend des photographies de Ren Hang, un artiste chinois homosexuel qui a réalisé une série de portraits intimes de ses amis avant de se suicider en 2017, à l’âge de 29 ans.
L’artiste indien Sunil Gupta utilise pour sa part les mythes grecs et la tradition préraphaélite pour dépeindre les couples de même sexe.
Une œuvre de l’Indien Balbir Krishan représente le contraste saisissant de la vie dans son pays avant et après la levée de l’interdiction l’année dernière des relations homosexuelles.
L’exposition comprend également des œuvres issues de Thaïlande, du Vietnam, des Philippines, de Singapour, de Malaisie, du Sri Lanka et de Hong Kong.
« Pour le public, c’est une opportunité d’entrer en contact avec un univers qui ne lui est pas forcement donné de voir », ajoute Chatvichai.
« Pour nous, c’est un moyen d’influencer l’opinion parce que l’art a cette capacité de susciter le changement social. »