Quand elle s’est affichée comme transgenre sur YOLO, une extension de l’application Snapchat qui permet de rester anonyme, l’adolescente de 17 ans Amy Fournier a reçu une soixantaine de messages d’incitation au suicide et à la mort en à peine une heure.
«Je veux te voir au bout d’une corde.»
«Je veux te voir morte. Je veux te voir souffrir.
»
«Je veux te voir sur une chaise électrique.
»
«Moi être tes parents, j’aurais préféré avorter.»
«C’est pour quand l’avis de décès?»
Ce sont là quelques-uns des messages anonymes qu’Amy a réussi à sauvegarder par une capture d’écran avant qu’ils expirent après avoir été vus.
Amy Fournier utilise habituellement l’application modile de prtage de vidéos TikTok, où elle est suivie par 52 700 abonnés. Connue sous le nom d’AmyXFou, elle souhaite y sensibiliser les jeunes à la transidentité. Sur l’application Snapchat, elle ne s’était encore jamais affichée comme trans auprès de ses 653 amis virtuels. Son identité de genre leur a été révélée quand l’un de ses contacts s’est servi de l’application de clavardage YOLO, qui permet aux utilisateurs de poser des questions anonymement à leur réseau de contacts Snapchat, pour lui demander quel était son nom «avant». Elle n’avait encore jamais reçu autant de messages demandant sa mort en si peu de temps.
Amy n’est certainement pas la seule à être confrontée à ce type de violence. Ce phénomène d’intimidation virtuelle incitant au suicide et à la mort a été dénoncé par plusieurs figures publiques. Pensons au chanteur Jérémy Gabriel, à la participante d’Occupation double Éloïse Lafrenière, à l’influenceuse numérique, Élisabeth Rioux, à l’écrivaine Geneviève Pettersen ou encore, au premier ministre du Québec François Legault.
Si la preuve est faite qu’on a conseillé à quelqu’un de se donner la mort, le Code criminel prévoit une peine pouvant aller jusqu’à un emprisonnement maximal de 14 ans, en partie tributaire des conséquences sur la victime. Des chefs d’accusation tels que le harcèlement criminel, la profération de menaces, l’incitation à la haine, la diffamation, la fraude à l’identité et l’intimidation peuvent s’ajouter.
Mis à part les sanctions judiciaires, un contrôle peut s’exercer directement par un média social. Chacune ayant sa propre nétiquette, c’est en agissant en nombre que la plateforme peut éventuellement bloquer un utilisateur. Après plusieurs signalements envers un même compte d’utilisateur, l’algorithme va s’intéresser à la cause et une intervention humaine sera alors commandée pour analyser la situation.
La sensibilisation à une bonne utilisation des réseaux sociaux est aussi un moyen de contrer l’intimidation virtuelle à plus long terme.
L’avocat criminaliste Jean-Marc Fradette croit que plusieurs changements législatifs et judiciaires touchant la cyberintimidation auront lieu dans les prochaines années. Selon lui, il serait crucial que les corps de police aient plus facilement accès aux informations des plateformes comme Facebook et Google, afin d’être plus facilement capables de bâtir la preuve.
Le spécialiste en sécurité informatique Steve Waterhouse pense au contraire que c’est une pente glissante vers la perte de liberté d’expression et de liberté citoyenne. Il soulève le danger de confier à un État ou une entreprise privée le mandat de qualifier tout échange d’idées.
À la suite de la vague de messages haineux qu’elle a reçus, Amy Fournier a d’abord considéré quitter les différentes plateformes numériques. Mais après avoir reçu beaucoup de commentaires de soutien de la part de plusieurs de ses abonnés, elle a opté pour une autre stratégie.
Amy souhaite se battre pour tous les membres de la communauté LGBTQIA+ qui n’ont pas la force d’être confrontés à cette intimidation de masse. Elle croit que les réseaux sociaux sont sa meilleure arme pour rejoindre les gens et sensibiliser sa génération à la réalité des personnes trans.
Source : Radio-Canada