Le titre n’est peut-être pas des plus accrocheurs et moi-même je m’y suis fait prendre en recevant l’information. Je me demandais pourquoi je devais parler d’un livre… Lamentable avant de me rendre compte que c’était le titre du premier roman de Sam Cyr, un comique de la jeune génération.
L’écriture, il y avait déjà goûté il y a quelques années. « Véronique Isabel Filion et moi avons tenu un blogue pendant quelques années, qui s’appelait Les Populaires », raconte Sam Cyr. « Et j’écrivais des textes avec beaucoup d’humour, et c’est aussi là que je me suis rendu compte que je voulais être comique et que j’aimais écrire. » Les deux étant complémentaires, sa vocation venait de naitre.
Le maitre mot qui colle au personnage et à l’auteur est : autodérision. Sam Cyr en a fait son credo aussi bien sur la scène que dans les pages de cette autofiction. Et dans la ligne de mire du regard qu’il porte sur lui-même : son poids et son long cheminement pour accepter son homosexualité. Bref, le fait d’en parler devant public ou de l’écrire l’a aidé à mieux vivre avec ses complexes et ses interrogations.
L’humour et le regard critique sous-tendent le récit du narrateur lorsqu’il raconte une tranche importante de [sa] vie de jeune adulte (vieil adolescent ?), soit le départ du nid parental pour voler de ses propres ailes ou, dans son cas, de tenter de voler. Sam Cyr est originaire de la Gaspésie et il y a quelques années, il s’est installé à Sainte-Foy pour commencer des études universitaires, avec le désir profond de vivre totalement sa vie d’étudiant, tout en éprouvant une déchirure à l’idée de quitter le lieu de son enfance où, comme il le précise dans l’entrevue, il a été heureux entouré de parents aimants. Une enfance sans problème, sans traumatisme, sans même souffrir d’homophobie.
Et c’est bien là l’originalité de ce roman : on rit souvent sans tomber dans le mélodrame. Bien sûr, il y a des moments touchants où surgit toute la sensibilité de l’auteur, mais jamais on ne tombe dans des crises existentielles, sinon des crises de pleurs dont se moque le narrateur. Bien évidemment, quand on s’émancipe du milieu familial, on veut se fondre dans le monde que l’on pense s’être créé et faire comme à Rome. Le narrateur veut s’intégrer dans la vie estudiantine, fréquenter les bars, les boites et aussi coucher avec une fille, même si son regard détaille souvent le physique des étudiants mâles. Est-ce simplement pour leur envier leur ventre plat ou autre chose ?
« Cette période de ma vie était très excitante, je m’accrochais aussi à l’idée d’être hétérosexuel et, dans le livre, j’ai voulu aussi jouer d’honnêteté, d’humour, bien sûr, mais d’honnêteté sur ce que je pensais à l’époque, comme par exemple de ne pas accepter mon côté féminin », ajoute Sam Cyr. Mais surtout, l’auteur refuse toute posture victimaire face à ses tourments intérieurs, si bien qu’en refermant le livre on se retrouve à l’opposé de toute une frange de la littérature gaie qui présente souvent, à juste titre, des confessions douloureuses d’une sortie du placard parsemée d’embûches. Sam Cyr apporte pour sa part un vent de fraicheur, lui qui considère son écriture comme de la littérature pop. C’est le genre de livre que l’on peut apporter sur la plage, à lire en sirotant un cocktail, avec rires et sourires qui ne seront jamais bien loin.
Si Sam Cyr n’a pas dans ses tiroirs ni même en chantier un autre roman, il se prépare à une tournée québécoise à partir de février 2022. On pourra entre autres aller l’applaudir au Lion d’Or le 7 avril prochain. Ou encore le suivre avec la complicité de sa grande amie Marilène Gendron sur leur podcast : Tout le monde s’haït.
INFOS | Lamentable de Sam Cyr Édition : Mélanie Roy (2022)