J’ai été ébloui jour après jour. Même si j’ai passé la moitié de ma vie en Abitibi-Témiscamingue, je viens de vivre une semaine débordante de surprises : un nouveau parc national, des expériences signées Moment Factory, des portions d’histoire désarçonnantes et plus encore. Contrairement à la croyance populaire, ma région natale n’est pas à l’autre bout du monde. Le trajet Montréal–Val-d’Or prend 5 h 30, autant que pour aller à Rimouski, à peine plus que pour rejoindre Chicoutimi et bien moins que pour découvrir la belle Gaspésie.
Premier arrêt : le Témiscamingue
Trop curieux de découvrir le parc national d’Opémican, inauguré en 2019, j’ai roulé durant 6 h 20 entre Montréal, Ottawa et Témiscaming au Québec. Après avoir pris possession d’un prêt-à-camper (l’équivalent d’un mini-chalet en toile avec lits, table, cuisine, chaufferette et installation pour faire un feu), mon ami et moi avons enfilé nos maillots pour découvrir la plage de sable fin et les eaux fraiches, sans la moindre embarcation bruyante et à peine cinq collègues de baignade : le bonheur ! Ensuite, nous avons marché quelques kilomètres en forêt sans mouches ni moustiques (merci fin août). Si le défi technique des sentiers était moins relevé que celui du parc national d’Aiguebelle, les vues auxquelles nous avons accédé valaient amplement la transpiration.
Après un repas conçu de nos mains, un feu lancé comme des pros, des S’mores succulents et une nuit de doux sommeil, nous avons enchainé les randonnées en matinée et défié la pluie avec une séance de pédalo sans croiser âme qui vive. Puis, nous avons englouti de vieux épisodes (téléchargés sur une tablette) de Buffy contre les vampires en écoutant le clapotis de la pluie sur le toit de notre refuge. Le lendemain, direction rivière Kipawa, pour ajouter des kilomètres au compteur, croiser une chute au débit impressionnant et donner du tonus à nos muscles fessiers.
Au terme d’un pique-nique sur la Falaise aux faucons, nous avons quitté le Parc au profit de la Bannik, réputé domaine de Duhamel-Ouest réunissant d’innombrables espaces de camping, des chalets et quelques chambres d’hôtel. Friands de contrastes, nous avons opté pour la chambre dotée d’une immense terrasse avec une vue fantasmagorique sur le lac Témiscamingue et un dispositif de feu au gaz. Nous y avons lu en peignoir, enveloppés par le bruit du vent dans les arbres. Ragaillardis, nous avons marché sur la plage pour rejoindre le Fort-Témiscamingue, un espace peuplé de scènes de reconstitution historique du 19e siècle, particulièrement bien intégrées dans la nature environnante, avant de rejoindre la Forêt enchantée : une forêt de thuyas de l’Est tordus, qui nous donne l’impression d’avoir été catapultés sur le plateau de tournage d’un film avec des personnages aux oreilles pointues.
Voyager avec la bouche
Désormais voyageur solo, j’ai roulé vers Ville-Marie pour pénétrer dans le temple des becs sucrés, Chocolat Martine, afin de savourer un délice aux framboises devant le lac et la marina remplie de bateaux à voile. Mon périple gustatif s’est poursuivi à Saint-Bruno-de-Guigues pour découvrir l’Éden Rouge, un producteur de légumes, de fruits et de fines herbes qui offre des visites agrotouristiques. En compagnie d’Angèle-Ann, la sympathique copropriétaire avec sa maman (la queen de la production), j’ai eu accès à d’énormes serres, compris l’équilibre entre automatisation et expérience de terrain, et confirmé la dévotion nécessaire à l’agriculture, avant de digérer tout ce savoir en dégustant un — formidable — sandwich fait de produits qui ont poussé ou été transformés sur place. Doux moment.
J’ai continué sur ma lancée en visitant la Ferme Nordvie, spécialisée en autocueillette et en transformation de la fraise. Parmi ses nombreux produits, notons le vin de fraise et la barbotine (de la bonne vieille slush) dont le goût de fraise pur était bien plus satisfaisant que tous les produits artificiels faits d’arômes. Déployant quantité d’efforts pour utiliser presque 100 % de tout ce qu’ils produisent, les propriétaires développent à leur tour des expériences agrotouristiques pour partager leurs réalités. Madeleine, la jeune proprio qui a repris les rênes de ses parents, est aussi passionnée que bonne vulgarisatrice !
Près du très calme lac Cameron, j’ai séjourné au P’tit Paradis, camping composé d’espaces pour camper, de chalets rustiques, d’un dôme en construction, d’un mini-put vintage et bientôt d’un hébergement sur une île et plus encore. Les nouveaux propriétaires, débordants d’idées, enveloppent les lieux de chaleur et d’un caractère familial absolument réjouissant. On doit dire que leur soirée pizza cuite dans un four à bois a laissé des traces mémorables sur nos papilles.
Diversité culturelle au programme
Au petit matin, j’ai laissé mon regard se réjouir des paysages du Témiscamingue durant mon trajet vers Rouyn-Noranda, ville où je suis allé au moins cent fois. Je n’avais pourtant jamais mis les pieds dans la Maison Dumulon, où j’ai appris mille informations fascinantes sur les balbutiements de la municipalité, la ruée vers l’or et la vie de l’époque à Rouyn et Noranda (longtemps deux entités distinctes), les municipalités qui étaient jadis les plus cosmopolites après Montréal et Québec, en raison de la grande présence immigrante dans les mines.
Quoi de mieux pour saisir l’impact des visages venus d’ailleurs que de visiter l’Église orthodoxe russe, située à quelques mètres de l’Église catholique ukrainienne (malheureusement fermée au public). En une heure, j’ai saisi les nuances entre les deux édifices, découvert la place des Russes en Abitibi et le parcours déroutant de ses deux curés. En soirée, j’ai goûté au Festival de musique émergente, qui se déploie à travers la ville dans les cafés bondés, les salles de spectacles et plusieurs lieux inusités. J’ai pu y sentir la ferveur du public de tous les âges, réuni autour de la découverte et de noms établis. Nombreuses étaient les personnes qui avaient roulé de partout au Québec pour assister à cet
événement qui a renouvelé les façons de tenir un festival au fil du temps.
Usine à beautés
L’avant-dernière journée de mon périple a été consacrée à Amos, ma ville natale. J’ai commencé ma journée au très connu Refuge Pageau avec une visite personnalisée me permettant de découvrir le parcours (et le p’tit nom) de chaque animal secouru par l’équipe et les nouvelles installations (comme la pouponnière à bébés animaux), de faire éclater plusieurs préjugés (par exemple, il est faux de croire que les porcs-épics lancent leurs aiguilles) et de plonger dans l’un des quatre arrêts amossois d’Anisipi, une expérience conçue par Moment Factory. Au Refuge Pageau, on est immergé dans une superbe animation nous faisant prendre conscience de l’interrelation entre les humains et les animaux. Plus tard en soirée, j’ai eu droit à deux autres étapes. D’abord, au puits municipal, j’ai assisté à un spectacle lumineux pensé pour les précieuses installations, en comprenant encore mieux pourquoi ma ville possède la meilleure eau du monde (dixit un concours international), grâce au filtre naturel effectué par les eskers. Ensuite, je me suis déplacé jusqu’à la plage municipale pour observer un spectacle de lumière au centre du lac Beauchamp, entouré d’adultes et d’enfants conquis.e.s autant que moi.
Mes nouveaux bff
J’ai vécu un moment absolument unique à la Ferme Chapalgas, là où je suis tombé amoureux des alpagas, cousins des lamas, qui sont les animaux les plus cutes du monde : doux, enjoués et hypoallergènes. J’aurais pu passer une journée entière à gambader avec eux dans les pâturages. Heureusement que j’étais accompagné de Sylvie, la propriétaire. En moins de deux heures, elle m’a tout appris de la production d’alpagas, de la nécessité de les tondre, de la transformation de leur laine et des produits magnifiques qui en découlent. Un petit bijou.
Ma visite amossoise s’est conclue à la Miellerie de la Grande Ourse : si je n’ai pas eu la chance de faire le safari permettant de tout connaître de la production apicole, j’ai testé la nouvelle buvette qui a fait courir les foules à l’été 2023 ! En effet, plus de 18 000 personnes ont vécu l’une ou l’autre des expériences. Pas surprenant, alors que le restaurant-pub soit d’une beauté renversante, campé en pleine nature et servant des breuvages et des repas uniques.
Dans les environs de Val-d’Or, ma visite à la Cité de l’Or m’a permis de me vêtir comme un mineur d’autrefois en y ajoutant mon swag naturel, de me rendre des dizaines de mètres sous terre, de comprendre toutes les étapes de l’extraction minière, de découvrir les (horribles) mauvais coups que les vétérans faisaient subir aux nouveaux, de faire la différence entre un lingot et une brique d’or, mais surtout, de saisir le travail immense nécessaire à la production d’or à l’époque.
Au terme de cette autre expérience mémorable, j’ai roulé jusqu’à l’île Siscoe pour y voir les huit dômes de la Station Boréale. Si je doute de l’idée d’avoir installé le tout à la lisière d’un terrain de golf, j’ai été absolument séduit par la zone dodo sur la mezzanine donnant accès à un toit fenestré qui laisse entrevoir le ciel étoilé, par les installations aussi luxueuses, sinon plus, que celles d’un hôtel, et par le sentiment d’être à l’abri du monde. Bref, je suis retombé en amour avec ma région et j’espère que vous en ferez autant !