Livre ténébreux que ce roman de l’Écossais Andrew O’Hagan. Né en 1968, à Glasgow, classé comme un des meilleurs écrivains de langue anglaise du moment, également critique de cinéma, O’Hagan est l’auteur de romans qui portent sur la classe ouvrière britannique.
Avec sa description pessimiste et amère d’une petite ville ouvrière écossaise, Dalgarnock, sa plus récente fiction, Sois près de moi, n’y fait pas exception. Son protagoniste principal, qui est aussi le narrateur, se nomme David Anderton, il a 57 ans et il est prêtre. En l’espace d’un an, dans sa nouvelle paroisse, il fera une descente en enfer. Mais cette chute pourrait bien dire, pour lui, renaissance.
Roman sur l’ambivalence morale, Sois près de moi est une recherche de soi à travers les actions, les réflexes, les souvenirs, les origines. David, par ses allers et retours dans son passé d’adolescent et de jeune adulte, cherche à comprendre ce qui lui arrive. Il n’est un pas un prêtre comme les autres : c’est un lettré, un fin gourmet, un être sensible, qui est à la fois compatissant et intolérant à l’égard du monde dans lequel il vit.
Son amitié avec un jeune garçon, Mark, l’amènera à faire des virées avec lui et une jeune fille prénommée Lisa. Négligeant ses paroissiens, il deviendra la cible de l’hystérie et de la haine de Dalgarnock quand il sera accusé d’agression sexuelle sur Mark. Ce dernier, dans un texto envoyé à David, écrit : «Ils m’ont eu.» Pourtant, le prêtre ne l’avait qu’embrassé après avoir bu et pris avec lui de l’ecstasy. On comprendra que par ses paroles et ses gestes il a créé la suspicion, que par son attitude anticonformiste il a appelé la vengeance.
Le roman révèle les sentiments contradictoires de David, sa perception complexe du monde : pour lui, tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc. Certes, les préjugés et les préjudices sont monnaie courante, l’esprit de clocher n’est pas mort, la sexualité homosexuelle, en particulier, doit être tenue secrète – et ce secret est une nécessité vitale pour vivre son amour, comme David l’a compris quand, en 1968, il a connu Conor, et qu’ils se sont aimés.
On est dans la sainte Irlande catholique, le racisme et l’ignorance ont le haut du pavé. Mais en même temps, c’est son identité et sa morale personnelle que défend David quand il se montre imprudent dans ses escapades avec Mark et quand il avoue devant le juge que, oui, il aurait été plus loin qu’un faible baiser avec lui. Il accepte sa condamnation comme pédophile parce qu’il n’y peut rien.
D’une certaine façon, pour lui, la vie rend les gens banals, inintéressants, victimes de leur petitesse et de leurs habitudes. Lui-même est sans espoir. Destitué, vivant dans un HLM, il ne lui reste plus, comme il le dit, que ses idées, éprouvant un sentiment de non-appartenance au monde.
Ainsi, quand on essaie d’échapper à soi-même, d’être son propre étranger, c’est l’échec à coup sûr et on conclut qu’on n’est pas grand-chose. La vie est bel et bien une longue et triste terreur, comme nous la décrit Andrew O’Hagan dans ce très beau roman, intelligent et d’une sensibilité extrême.
SOIS PRES DE MOI / Andrew O’Hagan. Traduit l’anglais par Robert Davreu. Paris: Christian Bourgois Éditeur, 2008. 357p.