Les drags à barbe font tomber les barrières — Gina Gates et Anaconda LaSabrosa

Certains spectateurs les trouvent audacieuses et innovatrices, alors que d’autres croient qu’elles ne méritent pas leur place dans l’univers des drag-queens. Depuis environ deux ans, Gina Gates et Anaconda LaSabrosa font partie des rares drags qui affichent fièrement les poils sur leur visage et leur poitrine..

Derrière Gina Gates, organisatrice des soirées de drags aux Grands-Ducs de Wellington à Sherbrooke, se trouve Gabriel Germain. Inspiré par l’artiste gender fluid Conchita Wurtz, dont l’image a fait le tour du monde lorsqu’il/elle a remporté l’Eurovision en tant que femme à barbe, le Québécois a choisi de ne pas raser son visage. «Cette pilosité fait partie du personnage. Je veux aller au-delà de l’image caricaturale de la femme et montrer une autre facette de la drag’. J’aime beaucoup les artistes qui dérangent et qui brisent les normes, comme David Bowie, Annie Lennox ou Prince.»

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Gina Gates

De son côté, le créateur d’Anaconda, Samuel Feria-Garcia, a choisi de garder sa barbe après des années à la raser. «Au début, je rasais mon visage, ma poitrine et mes aisselles, mais je détestais faire ça. Plus le temps passait, plus je voyais de belles drag-queens à barbe sur Instagram et You Tube. Je me disais que si je le faisais aussi, je ne reviendrais jamais au visage imberbe.» En effet, après trois ans de drag à barbe, il assume pleinement son choix. Il décrit sa nouvelle esthétique comme un mariage du glam et du trash, avec de jolies coiffures, du maquillage et des poils qui dépassent. «Pour moi, la drag, c’est une expression du genre par l’art de la transformation et l’art de la scène. Je joue avec le maquillage et les formes féminines grâce au rembourrage, aux faux seins et aux brassières, en gardant une touche masculine. J’adore susciter des réactions et jouer avec la perception des gens.»

Pourtant, les réactions ne sont pas toujours positives. L’année dernière, avant un spectacle, Samuel est allé chercher à manger près du Club Soda, alors qu’il était déjà transformé en drag. «Un gars m’a lancé « Oh my fucking God, what a nightmare! ». Visiblement, ça déroute les gens. Même si la société a fait du progrès face à la communauté LGBTQ+, il reste du travail à faire. En tant que drag, je veux retourner aux sources de la libération des droits LGBTQ+.» Du côté de Gabriel, les réactions négatives sont plus tempérées, allant de l’incompréhension au scepticisme. «Ce sont surtout des gens qui connaissent peu l’univers LGBTQ et qui voient l’identité de genre d’un point de vue normatif, incluant les drags qui doivent, selon eux, représenter l’icône de la femme», explique-t-il.

S’il en ébranle plusieurs au départ, Gabriel atteste que la plupart des spectateurs sont désormais habitués. «Les gens aiment beaucoup ce que Gina Gates représente. D’ailleurs, certains gars qui voulaient essayer la drag, mais qui hésitaient parce qu’ils ne voulaient pas se raser, envisagent maintenant faire comme moi. J’ai ouvert une porte à certaines personnes en leur montrant qu’on pouvait faire ça.» Pour sa part, Anaconda LaSabrosa a été flattée quand Mado Lamotte lui a dit qu’elle aurait trouvé sa place encore plus facilement dans la scène drag il y a vingt ans. «Ce que je fais ne cadre pas toujours avec ce qu’on attend d’un show régulier, affirme Samuel. J’aime bâtir des numéros conceptuels, avec un message ou une histoire. Je fais rarement mes numéros sur une chanson du top 40, et si je le fais, c’est à ma manière. Donc, qu’on me dise que je suis unique aujourd’hui, ça signifie beaucoup pour moi.»

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Tant Anaconda que Gina réfléchissent constamment aux multiples possibilités de leur look peu fréquent sur les scènes québécoises. «Je colore ma barbe bleue, mauve, orange ou blanche, selon la couleur de ma perruque, afin d’unifier le tout, dit Gabriel. La barbe fait partie du maquillage. Puisque mon but n’est pas de personnifier des artistes, mais de créer des performances musicales à partir de chansons d’artistes plus ou moins connus, j’ai la liberté de créer plusieurs looks, sans me sentir limiter par ma barbe.»

Si certains spectateurs peu connaisseurs ou de mauvaise foi sont persuadés que les drags à barbe se transforment plus rapidement que les autres, il n’en est rien. «Au contraire, ça prend plus de temps! s’exclame Samuel. L’une des plus grandes fausses croyances à propos des drags à barbe, c’est qu’on est lâches et qu’on veut sauver du temps. Pourtant, la teinture de ma barbe ajoute 30 à 45 minutes de maquillage. Et j’essaie plein de différentes techniques.» Cela dit, y aura-t-il un jour une place pour les drags à barbe dans l’iconique émission RuPaul’s drag race? Les deux Québécois en doutent…

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