Le lancement d’Égides – l’Alliance francophone internationale pour l’égalité et les diversités a vu le jour en mai dernier. Elle aura la charge d’établir des plans d’action pour aider les personnes LGBGTQ2S+ et peut-être influencer les élu.es des différents pays francophones. Son siège est situé à Montréal avec sur son CA 17 personnes provenant de tous les continents ou presque. On ne peut que saluer une telle initiative. On ne peut que la soutenir.
La montée des populismes souffle un vent conservateur particulièrement inquiétant pour nos communautés. Pas besoin d’aller très loin, il suffit de se rendre chez nos voisins du sud. Et que dire d’autres pays qui voient l’élan vers un meilleur respect et une meilleure acceptation de la diversité sexuelle reculer avec l’arrivée de gouvernements anti-tout. Et même ici, personne ne peut prédire les résultats de l’élection fédérale cet automne et peut-être le retour d’un gouvernement conservateur.
Le Canada et le Québec peuvent se féliciter d’être à l’avant -mondiale dans l’avancée des droits LGBTQ2S+. Les initiatives se multiplient pour lutter contre toute forme d’homophobie et de transphobie. Nous pouvons compter sur le soutien de nombreux.ses élue.s tout parti confondu sauf un, le Parti conservateur, et sur une acceptation de la part de la population québécoise et canadienne. Nous pouvons compter aussi sur nos gouvernements pour mettre à l’avant-scène la question des droits des personnes de la diversité, dans toutes les rencontres multilatérales, bilatérales avec leurs homologues étrangers. Mais on sait que dans le contexte géopolitique et économique actuel, la voix arc-en-ciel du «plus meilleur pays au monde», si elle est entendue avec respect, n’est pas assez forte pour changer la donne dans les pays où la criminalisation et le manque d’acceptation sociale empêchent de nombreuses personnes de vivre pleinement et sans peur leur orientation sexuelle et/ou leur identité choisie de genre.
Bien sûr, à l’origine d’Égides, ce réseau francophone international, il faut rappeler le rôle de militant.es et de bénévoles d’ici. Ils et elles ont travaillé depuis longtemps à la mise sur pied d’une structure qui prendrait en compte les voix des milliers de LGBTQ2S+ à travers le monde francophone. Il faut souhaiter que cet organisme ne devienne pas une coquille vide. Beaucoup d’entre nous connaisse ILGA (International Lesbien and Gay Association) qui œuvre à l’étranger. On peut penser aussi à l’engagement de Peter Thatchell à Londres, ou encore au Comité Idaho en France. Chez nous, des organismes n’ont pas attendu la création d’une plus grande structure pour, dans la mesure de leurs moyens et dans le respect des populations LGBTQ2S+ concernées, apporter soutien et solidarité. Fierté Montréal en est un l’exemple emblématique. La Fondation Émergence aussi dont les campagnes d’affiches en plusieurs langues sont commandées dans de très nombreux pays. On peut ajouter Egale au Canada.
On peut rappeler aussi La Déclaration sur les droits humains LGBT, dite Déclaration de Montréal de 2006 et portée auprès des autorités des Nations. Déclaration suivie par d’autres allant dans le même sens en 2008 et en 2011. Des déclarations qui n’ont rien de contraignant pour les états qui les signent. D’autant que de nombreux pays membres de l’ONU, et non des moindres, s’opposent à ces déclarations: la Chine, la Russie et les États-Unis entre autres.
Les structures sont là, les organismes officiels ou non sont présents. Reste que, malgré leur travail souvent souterrain, empreint de diplomatie et de tact pour ne pas être contre-productif, les résistances auxquelles ces organisations se heurtent sont nombreuses. Loin de renoncer, il faut donc multiplier les initiatives locales, nationales et internationales.
Bien sûr, quand des événements tragiques secouent la sphère LGBTQ2S+, elle réagit. Les réseaux sociaux deviennent un outil extraordinaire pour faire circuler et partager les informations, pour appeler à signer des pétitions ou encore à demander à ce que nous intervenions auprès des élu.es. Mais, nous en avons vu les limites. Le cas de la Tchétchénie est éloquent. Manifestations devant les ambassades de Russie, lettres dans les journaux sans que les gouvernements tchétchène et russe ne s’en inquiètent. Bien sûr, quelques Tchétchènes gais ont pu s’enfuir, certains ont atteint le Canada grâce à l’aide de Rainbow Railroad de Toronto, mais l’exil ne peut et ne doit pas être la solution pour tous les LGBTQ2S+ qui vivent dans la peur et dans l’insécurité.
Nous devons donc multiplier notre présence et augmenter nos pressions dans toutes les sphères qu’elles soient publiques ou privées. Les grandes entreprises privées internationales peuvent jouer un rôle important pour exiger le respect, la protection, et l’acceptation sociale dans tous les pays où elles décident de s’installer ou de collaborer. Un vœu pieu. Peut-être. Mais certaines d’entre-elles se sont engagées pour ne plus tolérer l’homophobie ni la transphobie dans leurs enceintes. Et rendre imputables celles et ceux qui, d’un côté se montrent ouverts, et de l’autre ne bougent pas ou peu, ou encore entretiennent sans aucune gêne des relations diplomatiques et économiques avec des pays où règnent une homophobie et une transphobie religieuse, institutionnelle et sociale permanentes.
En somme, il s’agit de leur demander une certaine cohérence entre les valeurs qu’ils défendent et promeuvent et les gestes qu’ils posent. C’est possible, nous l’avons bien fait au Québec et au Canada. D’autres l’ont fait dans leur propre pays. Nous devons étendre cette stratégie et ne pas nous contenter de promesses. Nous exigeons des comptes. Le respect des droits de la personne quelle qu’elle soit n’a que faire des frontières.