Il y a vingt ans, le 19 août 1999, l’activiste transgenre Monica Helms a fait un rêve. À moitié endormie, elle avait encore clair à l’esprit, le motif de ce qui allait devenir le drapeau de la fierté transgenre, qu’elle a rapidement esquissé. Un drapeau symétrique d’une grande simplicité.
«La conception en palindrome signifiait que, quelle que soit la manière dont vous arboriez le drapeau, ce serait toujours correct. Ce qui pour moi signifiait la justesse sous-jacente du vrai soi des personnes trans, quel que soit le chemin emprunté pour s’y rendre», écrit Helms dans son autobiographie, «More Than Just a Flag» (Plus qu’un simple drapeau), parue plus tôt ce printemps.

Le titre de l’ouvrage fait à la fois référence à la création du drapeau, mais surtout à la vie et l’œuvre de Monica Helms jusqu’à ce jour: elle a combattu la discrimination dans l’emploi, a servi comme sous-marinier dans la marine américaine et a poussé les activistes transgenres vers de nouveaux sommets dès les années 1990. Et à 69 ans, bien qu’à la retraite, elle est toujours active. Elle participe régulièrement à de nombreuses célébrations de la fierté et, il y a quelques mois, après que le président du Family Research Council, Tony Perkins, ait protesté contre le fait que le drapeau des transgenres soit présent devant plusieurs bureaux du Congrès pour la Semaine de la visibilité des transgenres, Helms a décidé de lui envoyer 1500 drapeaux de la Fierté transgenre en «cadeau», avec le message suivant «vos cris ne font qu’aider notre cause.» Nous lui avons posé quelques questions…
Qu’est-ce qui vous a poussé à raconter votre propre histoire dans ce livre?
La réponse courte est que, depuis de nombreuses années maintenant, plusieurs membres de la communauté trans m’ont demandé que je rédige une autobiographie. Chaque histoire transgenre est différente et nous donne une perspective de ce que chaque personne a vécu ainsi qu’une perspective de l’époque. Chaque voyage aide la prochaine génération de personnes transgenres à vivre leur vie de manière plus informée et authentique. J’ai traversé de nombreux événements dans ma vie qui ont façonné qui je suis. J’espère que les gens pourront apprendre de mon histoire et s’en inspirer. En gros, cette vie ne commence ni ne se termine sur la table du chirurgien, et ce n’est pas la fin du monde si vous n’êtes pas opéré. Je veux que les lecteurs.trices, les personnes trans en particulier, réalisent qu’elles peuvent accomplir presque tout ce qu’elles veulent s’ils le souhaitent.
Vous avez créé le drapeau de la fierté transgenre, il y a vingt ans. Qu’avez-vous ressenti en le voyant passer d’un simple concept à quelque chose qui est maintenant de plus en plus reconnu dans le monde entier?
Je suis toujours émerveillée de voir le drapeau apparaître dans de nouveaux endroits. Je n’ai jamais entrepris de créer une icône mondiale reconnue, mais c’est devenu une réalité. Je voulais juste un symbole, quelque chose qui reflétait ma fierté d’être transgenre et quelque chose qui pouvait aider à faire émerger la communauté ou nous unir. Cela me rend humble de voir le drapeau porté par d’autres dans le monde. Il transcende les âges, les nationalités et les sexes. Le succès du drapeau tient en partie au fait qu’il a autant de raisons de l’aimer que de personnes transgenres. Je suis d’accord avec ça. Au fil des ans, les gens m’ont dit ce que cela signifiait pour eux et cela me remplissait de fierté. J’espère que cela continuera à rendre les autres fiers également.
Vous êtes-vous déjà senti dépassée par tout cela?
Oui, complètement. Dépassée est le mot juste. Le drapeau fête ses 20 ans en août et la rapidité avec laquelle il s’est propagé et a été accepté, a été une grande surprise pour moi. Je suis reconnaissante d’avoir vécu pour le voir devenir ce phénomène. L’importance du drapeau m’était apparue clairement, seulement lorsque le Smithsonian a accepté l’introduction du tout premier drapeau trans dans sa collection permanente LGBT. Et voir une photo de quelqu’un le brandissant en Antarctique a été un moment très important pour moi. Je ne m’attendais pas à cela, mais je suis très reconnaissante et très fière. Cela ne m’était jamais venu à l’esprit que cela se produise jusqu’en 2013.

Y a-t-il des moments spécifiques où vous avez vu votre drapeau quelque part?
Le voir au sommet des plus hauts sommets de différents continents était incroyable. Erin Parisi, alpiniste trans, essaie de l’emporter sur les plus hauts sommets de tous les continents, en terminant par le mont Everest. Le plus gros frisson pour moi jusqu’à présent a été de voir le drapeau original flottant à la Maison Blanche en 2016.
Selon vous, quels sont les défis à relever pour que l’activisme transgenre prenne réellement son envol?
Dans les premières années, et encore aujourd’hui, je sens que nous sommes une communauté mal comprise. Nous devons être plus fier.es et plus visibles si nous voulons que le reste du monde nous accepte. Écrire More Than Just a Flag était une tentative d’être totalement transparente et d’expliquer qui je suis. Tout le monde ne peut pas écrire un livre, mais nous avons besoin de plus de personnes transgenres pour défendre ouvertement des enjeux politiques, pour diriger des entreprises et des œuvres de bienfaisance et pour apporter une contribution positive à leurs communautés et à la société. Sur le plan pratique, l’une des leçons fondamentales que j’ai tiré de mes années d’activisme a été de prendre avec un grain de sel ce que les organisations non transsexuelles disent des trans. Ils n’ont pas toujours notre meilleur intérêt à cœur. De plus, si vous prenez publiquement la parole, préparez-vous à devoir faire beaucoup, beaucoup de sensibilisation. Et si vous dites que vous ferez quelque chose, faites-le, peu importe la difficulté. La seule chose qu’un activiste possède, c’est son intégrité.