Mardi, 11 février 2025
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    L’origine des marches de la Fierté

    Pour comprendre les origines historiques des marches de la fierté LGBTQ+, comme celle de Fierté Montréal, qui se tiendra cette année le dimanche 15 août, il faut faire un saut en arrière de plus d’un demi-siècle, en 1969, à New York. Retour, donc, sur le déroulement d’un événement historique qui a eu une très grande résonnance à travers les années.

    À la fin des années 1960, l’homosexualité est encore taboue aux États-Unis. Au mieux, elle est considérée comme une maladie mentale, au pire, comme un crime. Aucune loi ne protège les personnes LGTBQ. Le silence reste la voie la plus sûre. Et à cette époque, il est interdit de servir de l’alcool aux homosexuels et illégal de danser entre hommes à New York, mais aussi dans bien d’autres villes en Amérique du Nord, dont Montréal.


    Le paradoxe new-yorkais
    Même si la métropole américaine abrite la plus importante communauté LGBTQ aux États-Unis, la Ville de New York est particulièrement répressive à son endroit. Surtout depuis le début des années 1960, alors qu’on tente de “nettoyer la ville” à l’approche de l’Exposition universelle de 1964.

    Les personnes de même sexe qui s’embrassent en public peuvent être accusées d’attentat à la pudeur. Celles qui courtisent ouvertement une autre personne, de sollicitation. La régie des alcools de la ville, qui punit sévèrement quiconque sert de la boisson aux homosexuels, est un autre bras répressif de l’administration municipale.

    Un lieu de rencontre
    Le Stonewall Inn, situé au 53 Christopher Street dans Greenwich Village, est l’un des rares endroits où la communauté peut se retrouver et danser. Ouvert en 1967, le club clandestin privé accueille une centaine de clients par fin de semaine, et ce, en dépit de son allure et de ses pratiques douteuses. Grâce à un accord tacite entre le propriétaire mafieux, Fat Tony Lauria, et la police, l’établissement est prévenu avant les descentes. De fait, la visite des policiers du 24 juin 1969 se déroule comme d’habitude. Ceux-ci se présentent en début de soirée et les clients sont avisés grâce à un jeu de lumière codé. Le 27 juin au soir, toutefois, les agents se présentent sans prévenir.

    Le vendredi 27 juin 1969, un inspecteur de police, accompagné de sept officiers de la brigade des mœurs habillés en civil, débarque peu avant minuit et annonce son intention d’arrêter le personnel et la soixantaine de clients qui s’y trouvent. De telles pratiques étaient fréquemment utilisées par la police, qui avaient l’habitude de mener ces descentes contre les gais qui, d’ordinaire, ne résistaient pas et se laissaient embarquer. À la sortie du bar, quelques travestis et passants assistent à l’événement en spectateurs, bien vite rejoints par d’autres. Quand le fourgon de police arrive, de passive, la foule devient de plus en plus hostile.  C’est une lesbienne habillée de façon masculine, entraînée hors du bar par la police pour être embarquée, qui déclenche, par sa résistance et son refus de se laisser faire, le début de l’émeute. Quelques drag-queens — qui se diront par la suite bouleversées par la mort, quelques jours plus tôt, d’une de leurs icônes gaies, Judy Garland — décident d’en remettre en envoyant des bouteilles vides aux représentants de l’ordre, qui battent en retraite à l’intérieur du bar.

    Des trans et de jeunes prostitués se joignent aux drag-queens et prennent des briques qui forment le pavé de la rue et les lancent dans les fenêtres du bar. Les policiers s’affolent: l’un d’entre eux menace de tirer sur la foule, tandis que l’un des manifestants improvisés tente de mettre le feu au bar. C’est le début d’une émeute qui va durer une bonne partie de la nuit et dont il existe différentes versions. C’est sans doute inévitable, vu que le Stonewall est devenu de plus en plus une légende à laquelle plusieurs veulent être associés et donnent «leur» version des faits.

    À 4 h du matin, une foule de 400 à 600 personnes encercle les policiers, qui se réfugient dans le bar après avoir appelé des renforts. À 5 h, l’escouade tactique parvient à la disperser. On dénombre quelques blessés, 13 arrestations, plusieurs pneus lacérés et un taxi renversé. Le lendemain soir, entre 250 et 500 personnes, selon les différents témoignages, reviennent au Stonewall, dont plusieurs par simple solidarité envers la communauté gaie. La police revient elle aussi, usant de violence et de gaz lacrymogènes. Chaque soir pendant près d’une semaine, le même manège se répète avec un peu moins de personnes. Toutefois les médias couvrent l’événement, souvent en usant d’un langage discriminatoire envers les émeutiers, mais pas uniquement. Et, surtout, le grand public découvre néanmoins la réalité de la communauté homosexuelle obligé de vivre sa réalité dans la clandestinité. 

    Dans les semaines qui suivent, toute une partie de la population new-yorkaise se sent
    solidaire contre les policiers qui, depuis quelques années, ne pourchassent pas que les gais, mais également tous ceux qui peuvent sembler marginaux ou tout simplement différents. On peut expliquer une telle réaction en considérant la naissance et le développement, dans les années précédentes, d’une contre-culture volontiers rebelle aux valeurs de respectabilité de la société de l’époque. En outre, la liberté sexuelle grandissante remet en cause l’intolérance vis-à-vis de l’homosexualité.  La télé, la radio et les grands journaux font écho de la révolte des homosexuels. En quelques semaines, la nouvelle fait le tour du monde et Stonewall devient le symbole d’une minorité invisible et opprimée qui demande le droit de jouir des libertés revendiquées par tous les citoyens. 


    Héritage durable
    Au début de 1970, l’un des manifestants, Graig Dowel, fonde le Gay Liberation Front (GLF) et décide d’organiser, le 28 juin, une marche dans les rues du Greenwich Village de New York pour commémorer les événements de Stonewall. Le dimanche 28 juin 1970, malgré la peur et les menaces, entre 7 000 et 10 000 personnes défilent sur la 6th Avenue jusqu’à Central Park en criant les slogans Gay Power! (Le pouvoir gai), Gay is just as good as straight! (Être gai, c’est aussi bien qu’être hétéro!) et Out of the closets! Into the Streets! (Sortez du placard! Venez dans la rue!). Cette première marche s’achève à Central Park, envahi pacifiquement par les manifestants qui s’embrassent et fument des joints sur le gazon. Ce rassemblement est maintenant considéré comme le premier défilé de la Fierté. Au même moment, dans d’autres grandes villes américaines dont San Francisco, Boston, Los Angeles et Atlanta, des groupes de gais et de lesbiennes organisent, de manière improvisée et sans réelle concertation, leurs premières manifestations, regroupant de quelques dizaines à quelques centaines de personnes pour souligner le premier anniversaire de Stonewall. Le concept des marches de la fierté était né… L’émeute de Stonewall a marqué un tournant dans la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+. Les nombreux groupes de défense des droits formés dans la foulée de l’événement ont réalisé d’innombrables avancées qui semblaient inatteignables il y a 50 ans.

    Au départ de la première marche à Montréal, en 1979. Photo : Daniq Charland


    Et à Montréal?
    Le premier défilé de la Fierté à Montréal a tout à voir avec Stonewall. Le militant John Banks (qui fut co-président d’honneur de Fierté-Montréal en 2017), apprend qu’à San Francisco, une marche est prévue pour souligner le 10e anniversaire des événements de Stonewall, qui sont un moment important pour nos communautés. Sans financement, ni grandes planifications, John Banks décide d’aller de l’avant. Le rendez-vous pour le départ est donné au Carré Saint-Louis, puis la courte marche se rendra jusqu’au Parc Lafontaine. Le 23 juin 1979, ils étaient 52 à marcher. Une marche qui surprend les passant.es, qui met des rires parfois ironiques sur les visages de certain.es, mais dans l’ensemble, une population plutôt tolérante regarde passer ce groupe coloré et festif.

    De 1980 à 1991, presque à chaque année, se tiendra un événement de la fierté, organisé par divers groupes. En 1993, DiversCité est co-fondé par Puelo Deir et Suzanne Girard en tant que premier festival annuel de la Fierté à Montréal, en réaction à la descente du Sex Garage de 1990. En 2006, l’organisme annonce qu’il cesse d’organiser le défilé de la Fierté, mais le festival des arts queer se prolongera jusqu’en 2015. Les Célébrations LGBTA (nom précurseur de Fierté Montréal) devient l’organisme officiel de la Fierté LGBTQ+ à Montréal responsable de l’organisation du défilé annuel de la fierté, dès 2007.


    Pour accéder à l’ensemble des textes sur la programmation de Fierté Montréal Pride, visitez la section FIERTÉ LGBT

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