Elle a fait craquer le Québec par sa brillante et touchante interprétation de la chanson «Je suis malade» à La Voix en avril 2016. Elle, c’est Geneviève Leclerc, une grande interprète qui s’apprête à partir en tournée à travers le Québec avec sa voix, son premier album et l’envie de surprendre les gens. Rencontre avec une artiste en plein essor.
Ma rencontre avec la chanteuse de 34 ans a été ponctuée de surprises. J’avoue d’emblée que je m’attendais à rencontrer une femme plutôt sérieuse, introvertie. C’est tout le contraire. Geneviève a le regard perçant, vif. Elle est drôle en plus d’être un véritable livre ouvert. J’ai devant moi une fille bien sa peau qui a le sens de l’autodérision. Elle se rappelle avec humour ses premiers spectacles: «Mes premiers shows? C’était un désastre! Je ne voulais pas parler entre les chansons. Je me disais que je ne pouvais pas être moi, parce que je trouve que je manque un peu de finition. Ça clashe avec quand je chante. Mais quand j’ai vu Adele performer, je me suis dit que moi aussi je pouvais être moi-même.» Geneviève Leclerc, c’est ça: une fille authentique qui a pris le pari d’être elle-même.
Elle n’esquive en rien la question de son homosexualité. «Je ne comprends pas les chanteurs qui ne font pas leur coming out», lance-t-elle. Dans son cas, c’est en participant à La Voix, en 2016, qu’elle s’est elle-même dévoilée: en sortant de scène, elle est allée embrasser son amoureuse, Georgina. Un geste qui n’est pas passé inaperçu. «J’ai eu plein de gens qui m’ont écrit pour me dire qu’ils étaient déçus. Certains m’ont même dit: «Je savais pas que t’étais gaie. J’aurais pas dû voter pour toi.» J’ai quand même pris le temps de leur répondre de façon simple et précise. Je les remerciais de me partager leur opinion. J’aurais pu les envoyer… mais non, j’ai opté pour une autre méthode. Plus douce». Et sa façon de faire semble avoir marché. «Un homme de plus de 70 ans me réécrit en me disant « Ah! T’as raison. J’ai découvert récemment dans ma communauté un homosexuel et il est très gentil et je ne me sens pas mena-cé par lui. Tu m’as ouvert l’esprit. Merci pour ta générosité ». Faut croire que c’est par petits pas qu’on change le monde!»
« Je l’aime! Elle fut une formidable Pierrette dans Belles-Sœurs. C’est une grande voix. Une artiste intègre, intelligente. »
— René-Richard Cyr
La musique dans le sang
Enfant, Geneviève rêvait de devenir chanteuse ou comédienne. Sans doute qu’elle avait ça dans le sang, car des années plus tard, elle a pu allier ses deux passions en jouant dans des comédies musicales.
La fille originaire de Hull ne le cache pas: plus jeune, elle était plutôt rebelle. «Moi j’étais du trouble. Dans le cours de sciences, je m’asseyais dos au prof, le walkman sur les oreilles. Je suis sûre que ça a un lien avec mon homosexualité: tu cherches, tu penses que t’es pas pareille aux autres. Bref, tu fittes pas.»
C’est au cégep qu’elle découvre là où elle se sent bien en s’inscrivant au programme sur les comédies musicales. Après, tout déboule dans sa vie. Elle est engagée comme chanteuse sur un bateau de croisière. Pendant huit ans, elle se donne en spectacle sur ces immenses bateaux.
C’est là aussi qu’elle fait la connaissance de Georgina qui travaillait comme ingénieure de son sur les mêmes croisières. «Je dois dire que ça n’a pas cliqué sur le coup. On est d’abord devenue amies. Ensuite, on a eu notre première date et c’est là que j’ai réalisé que j’étais gaie.» Les deux amoureuses se sont mariées il y a 9 ans.
Notre discussion autour de sa belle Mexicaine est interrompue par l’agitation des enfants attablés à côté de nous, dans ce café du Village. «Regarde comment ils sont adorables! Moi j’en veux sept, comme les enfants de la famille Von Trapp dans La Mélodie du Bonheur!» Geneviève me fait sourire: même ses références sont basées sur des musicals!
Des Misérables aux Belles-Sœurs
Après ces années à chanter pour les vacanciers en croisière, Geneviève a réussi à trouver un rôle à sa mesure: celui de Fantine dans Les Misérables. Pendant deux ans, elle part en tournée nord-américaine à interpréter ce rôle qui lui colle à la peau. Ensuite, elle interprète le rôle de Pierrette Guérin dans la version anglaise de la comédie musicale «Belles-Sœurs».
Mais peu de temps après, la réalité la frappe durement. «Je n’arrivais plus à vivre de mon art à Montréal. Je me rappelle avoir auditionné pour Denise Filiatrault. Je pense qu’elle ne s’est même pas retournée pour me regarder quand je chantais.» Découragée, Geneviève songe sérieusement à abandonner la chanson. «Je me suis dit que j’allais retourner à l’école. J’allais m’inscrire en marketing quand ma tante m’a incité à m’inscrire à La Voix.» Coachée par Marc Dupré, la chanteuse a franchi les étapes jusqu’à la demi-finale. «Pour moi, La Voix a été un beau tremplin.»
«J’adore Geneviève! C’est une interprète de calibre international qui possède une intelligence du texte comme peu d’artistes possèdent.»
— Frédérick Baron
Portfolio
Au printemps dernier, Geneviève a lancé son tout premier album, Portfolio, qui comprend trois chansons originales et huit reprises. «C’est ça mon trip, de prendre les tounes et de les revisiter.» Dans chacune des chansons, on sent l’interprète qui vient donner une couleur propre à chaque pièce. «Je m’investis dans chaque mot comme une actrice au cinéma. La beauté de ça, c’est que tu peux aller plus loin quand c’est pas toi. Je suis un véhicule pour une histoire.»
Parmi les trois nouvelles compositions de son album, deux sont signées par des artistes ouvertement gais: Marc-André Sauvageau et Frédérick Baron. «Je commence lentement à écrire mes propres chansons. Bon, je fais plein de fautes, mais c’est pas grave, parce qu’après, je prends un dictionnaire et je révise mon texte!»
Osera-t-elle présenter une de ses compositions dans son nouveau spectacle? La question reste en suspens… Elle ne s’en cache pas: en chansons, elle aime l’interprétation dramatique. «Moi, c’est ma force d’aller dans les subtilités de la langue française, ce que je ne pouvais pas faire en anglais. Quand j’ai chanté «Je suis malade», les gens comprenaient un autre niveau.»
Mais entre les pièces, Geneviève est loin de se prendre au sérieux. D’ailleurs, au moment d’écrire cet article, elle est en pleine séance de travail avec René-Richard Cyr qui signe la mise en scène de ce nouveau spectacle. Un spectacle qui se veut un voyage dans sa vie professionnelle. «René-Richard dirige ce voyage vers quelques destinations assez surprenantes. Du jazz au pop en passant par la France. J’adore les couleurs qui en ressortent!»
Geneviève a vraiment hâte de présenter son spectacle cet automne. Elle fera un retour sur son parcours des dernières années à chanter sur les bateaux de croisière autant que sur son passage à La Voix. Mais surtout, elle risque d’en déstabiliser plus d’un en se montrant telle qu’elle est sur scène: une artiste authentiquement sympathique.
Geneviève Leclerc – Tournée Portfolio, dès le 4 novembre 2017 genevieveleclerc.com