Mardi, 30 avril 2024
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    Pour les 40 ans de Fugues : Entrevue avec Jean-Denis «JiDi» Lapointe

    Jean-Denis Lapointe, dit « Jidi », a été aux premières loges du développement de Fugues durant les premières années. Multidisciplinaire, il est arrivé seulement quatre à cinq mois après la publication du premier numéro pour prêter main-forte et occuper diverses fonctions : photographie, confection de la page couverture, textes, etc. C’est Jidi qui aura permis à Fugues de développer une consistance éditoriale et artistique pendant la première décennie. À cet effet, plusieurs amateurs et amatrices de longue date du magazine se souviendront de Jidi pour ses personnages de Mossul et Umide (sous le stylo de Lubrik), que l’on a pu trouver dans une bande dessinée du même nom dans le magazine pendant une dizaine d’années. En parallèle, Jidi aura assuré pendant plusieurs années la fonction de copropriétaire du bar Le Lézard. De quoi bien l’occuper ! Quarante ans plus tard, Jidi ne berce que des expériences positives des débuts du magazine.

    Comment résumerais-tu tes années chez Fugues ?
    Jean-Denis Lapointe : J’ai rencontré Martin [Hamel] par l’intermédiaire d’un ami que nous avions en commun au camping Plein-Vent. Mon ami m’a dit « Martin aurait besoin de quelqu’un pour l’aider : il vient de lancer un magazine qui s’appelle Fugues. » À cette époque-là, Fugues, ce n’était rien. Il n’y avait presque aucun contenu éditorial : ça devait simplement être un genre de guide de tout ce qu’il y a comme commerces gais à Montréal et Québec. Quand je suis arrivé, il y avait tout à faire. On m’a demandé de m’occuper de l’éditorial, ce que j’ai essayé tant bien que mal de faire, lorsqu’il y avait de l’espace pour moi. Parce que si Martin avait vendu toutes les pages, il n’y avait pas de place pour moi (rires). À force de m’obstiner avec Martin, j’ai réussi à obtenir quelques pages où on a pu faire un peu de contenu, j’ai engagé quelques personnes avec moi. On a fait un peu de chroniques, un peu de musique, un peu de spectacle…

    Tu es aussi connu pour être l’auteur de la BD Mossul et Umide, que les lecteurs ont pu suivre pendant de nombreuses années…
    Jean-Denis Lapointe : Je cherchais quelqu’un autour qui faisait de la BD. J’en connaissais quelques-uns, mais ils n’étaient pas intéressés. Plusieurs gens boudaient la revue à cette époque-là, parce que c’était une revue un peu cheap. Beaucoup de gens ne voulaient rien savoir de nous. On nous disait : « C’est trop sexe. » Surtout avec [les couvertures, le contenu et] les publicités de sauna… Finalement, je me suis improvisé bédéiste, et donc j’ai fait la chronique de Mossul et Umide pendant au moins 15 ans (qu’il signait du sobriquet Lubrik!) La formule était très simple : c’est l’histoire de deux garçons, deux amants qui parlent de leurs petits conflits, de leurs petites aventures. [Mossul et Umide], ça aurait pu s’appeler « Un gars, un gars » de la même manière qu’il y a la série « Un gars, une fille ». C’était le même principe. La page de Mossul et Umide était toujours la page que les gens cherchaient en premier dans la revue. C’était très populaire. On les a même avait faits «en vrai» au bout de quelques années : dans une des premières parades de la Fierté à la fin des années 1980, on les a mis sur un char allégorique et on a fait la couverture du 10e anniversaire avec eux (en avril 1994)!

    En tant qu’employé pour Fugues, as-tu déjà eu peur de faire face à des propos ou des actes homophobes ?
    Jean-Denis Lapointe : Non. J’ai été un adolescent dans les années 70, dans le peace and love. Dans ces années-là, au Québec, c’était : « On fait l’amour, pas la guerre. » Je n’ai jamais eu de difficulté avec mon homosexualité. Je sais, par contre, qu’il y en a d’autres qui en ont souffert… Je me rappelle toutefois qu’un des premiers employés du magazine sortait d’un milieu complètement straight. Il est arrivé à Fugues et il a été projeté dans un univers qui lui faisait presque peur. Il m’a dit un jour : « Je t’ai pris comme modèle. Je voulais, dans mon homosexualité, être aussi à l’aise que toi. »

    Comment expliques-tu l’existence de Fugues, 40 ans plus tard ?
    Jean-Denis Lapointe : L’idée de base, qui est de regrouper tous les commerçants qui sont gais ou gay-friendly, est une formule gagnante. Quand les gens cherchent les services d’un spécialiste, je comprends qu’ils peuvent préférer qu’il soit gai. Aussi, on y parle de gens qui sont connus et qui sont dans l’actualité et ça concerne tout le monde tout le temps. C’est un peu comme une version gaie de Tout le monde en parle. Je trouve aussi que Yves Lafontaine [l’actuel directeur et rédacteur en chef] a fait un incroyable travail. Il a vraiment réussi à intégrer graduellement un contenu sérieux et très diversifié, tout en restant axé sur des enjeux d’intérêts, notamment avec des chroniqueurs qui ont des choses à dire. Je trouve que, maintenant, le magazine, c’est un rendez-vous mensuel arc-en-ciel et accessible pour tout le monde.

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