Jeudi, 28 mars 2024
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    Arthur et Paul, Giacomo et Antonio : « Rimbaud: la double vie d’un rebelle » d’Edmund White / « Noir souci » de René de Ceccatty

    Deux destins à la fois dissemblables, mais qui se rejoignent sur certains points : deux écrivains morts jeunes. Un a vécu en France, au XIXe siècle, symbole de la jeunesse, de la révolte et de la beauté, à l’œuvre poétique flamboyante pour laquelle chaque lecteur a l’impression qu’elle a été écrite pour lui.

    L’autre, a également connu son époque créatrice au XIXe siècle. Il était Italien, philosophe et poète, souffreteux, bossu, laid, mais dont tous les écoliers de l’Italie connaissent les écrits. Deux écrivains qui ont eu chacun ami proche, même intime, Paul Verlaine pour l’un et Antonio Ranieri pour l’autre. Leurs histoires sont racontées par deux écrivains connus : Edmund White et René de Ceccatty. 

    Il n’est pas surprenant que Rimbaud, au charisme fatal pour tout collégien, ait séduit le jeune Américain Edmund White, à l’adolescence homosexuelle malheureuse, frustrée sexuellement, taraudée par la honte. White découvre Rimbaud en 1956, décide alors de devenir écrivain, s’identifiant à ce désir de liberté qui emportait le poète du Bateau ivre et part pour New York.

    Cinquante-quatre ans plus tard, soit à 70 ans, il s’embarque presque malgré lui dans une brève biographie pour la même collection où il avait publié en 1999 son Marcel Proust (en français, chez Fides, dans la collection «Grandes figures, grandes signatures», 2001), intitulé Rimbaud. La double vie d’un rebelle.

    S’attachant surtout à la relation de Rimbaud avec Verlaine, poète marié, alcoolique, fou de l’auteur des Illuminations, cette courte biographie, au style laconique, tient plus de l’essai (de l’analyse de textes, en particulier), mais sans aucune note en bas de page ni appareil critique (comme exactement était le Marcel Proust).

    Jusqu’à l’âge de 21 ans, Arthur Rimbaud est considéré – avant d’être sacré idole après avoir renié sa poésie pour s’enfuir de la France – dans les cercles littéraires parisiens comme un mythe : celui d’un révolté, d’un mal élevé, d’un nomade (il voyage sans cesse avec Verlaine à Bruxelles, à Londres, etc.). C’est un adolescent sauvage, protégé par sa mère, aimé de sa sœur, qui boit de l’absinthe jusqu’au delirium tremens.

    Mais il est beau, mince, avec des yeux bleus perçants, avec une abondante chevelure frisée, avec des belles lèvres, et on comprend que Paul Verlaine ait quitté sa femme et sa petite fille, pour aller vivre avec lui et voyager. Entre 16 ans, âge où il rencontre l’auteur de Sagesse, et 21 ans, quand sa relation se clôt définitivement après d’incessantes querelles et un coup de révolver qui lui blessera le poignet (Verlaine sera condamné à deux ans de prison), le jeune Arthur écrit sa sublime œuvre.

    C’est cette période que semble chérir Edmund White en y voyant une relation homosexuelle ouverte à la fois par défi et par audace. Après ces six années de tourments, Rimbaud renonce à l’écriture, part en Afrique et fait du trafic de café, d’ivoire et d’armes, épisode sur lequel s’attarde peu White. Il retournera par urgence en France où un cancer de la jambe se transformera en cancer généralisé. Il meurt à 37 ans, mais son œuvre est déjà connue grâce à la dévotion constante de Verlaine qui l’édite.

    Noir souci / René de Ceccatty

    Giacomo Leopardi aura lui aussi une vie brève (il meurt à 38 ans). Ses essais et ses poèmes sont érudits pour cet admirateur de Madame de Staël. Son œuvre la plus connue, un ensemble d’aphorismes, d’impressions, d’observations, de notes critiques, sera publiée après sa mort sous le titre de Zibaldone.

    Destin contrarié pour lui aussi, que tente de cerner l’écrivain et critique français, René de Ceccatty, dans un livre qui tient lui aussi plus de l’essai que de la biographie, mais en moins sentencieux que celui d’Edmund White. Ce qui attire l’auteur est la relation complexe, ambiguë entre Giacomo Leopardi, presque aveugle et au corps déformé (on disait qu’il ressemblait à un crapaud), et Antonio Ranieri, beau et fringant révolutionnaire engagé dans le mouvement de réunification de l’Italie qui quittera tout pour accompagner l’homme monstrueux, au tempérament saturnien.

    De cette grande passion qui les liera tous les deux, l’amour sexuel ne sera jamais consommé. Passion chaste, dit René de Ceccatty, passion romantique, passion platonique, qui fait quand même jaser. Étrange histoire, écrit l’auteur, qui est devenue une part de la sienne. Elle demeure encore inexplicable et mystérieuse, et Ceccatty a su, dans un style personnel et lyrique, lui donner le ton d’un rêve, d’une irréalité fascinante.

    Rimbaud: la double vie d’un rebelle / Edmund White. Paris : Payot, 2011. 199p.

    Noir souci / René de Ceccatty. Paris : Flammarion, 2011. 264p.

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